Hier, enterrement de Pietri, un type du 3e. à qui l’on avait coupé la jambe.
C’est la Toussaint aujourd’hui.
La base arrive avec le B.M.C.
Nous avons, depuis le 27, les rations "bordels".
Nous touchons un paquet de cigarettes pour 5 jours, c’est peu.
Je reçois énormément de courrier.
Nos paquetages de la base arrière nous parviennent, évidemment, tout mouillés!
Il fait une très belle journée, nous attendons le détachement qui vient de France.
Quels copains allons nous trouver?
Je découvre seulement notre lieutenant, c’est un chic type.
Un convoi se fait massacrer à That-Khé, une cinquantaine de coolies tués et une vingtaine de français.
Une vingtaine de G.M.C. de brûlés.
Je fais une des plus grosse gaffe, je prends deux messages en l’air, étant en écoute avec le convoi du commandant.
Le premier : "Sommes arrivés Brest et mi-chemin pouvons cesser l’écoute."
Et le convoi n’arrive pas...
Grand branle-bas, tous les officiers, commandant, etc., sont aux cent coups.
À neuf heures Brest communique :
"Cdt Peysson couche ici."
Suite engueulade.
Je tombe malade, une fièvre de cheval, mal partout, aux reins, au ventre, plus aucune force.
Toujours drôlement malade
Ça ne va pas du tout, je fais venir un infirmier.
Piqûres, cachets et je me recouche.
Ca va un peu mieux. Je me lève mais la tète me tourne.
Cependant j’écris quand même à Andrée dont j’ai reçu 6 jolies photos.
Je lui envoie la mienne.
Ça va beaucoup mieux, le matin nous touchons la paye, 426 piastres.
L’après midi, j’envoi 10 200 francs chez nous et je leur écris.
Grimault part sur le Pasteur.
3 mois d’Indochine.
Aujourd’hui ça va mieux, je suis complètement rétabli.
Je reprend les vacations avec le groupement.
Dans la soirée, un G.M.C. de l’E.H.R. se fait attaquer près du premier radier.
Deux types disparaissent dont Bruno que je connaissais particulièrement bien. Nous étions venus ensemble d’Allemagne.
Le soir aussitôt, nous envoyons une patrouille mais on ne retrouve rien.
Nous partons à 5 heures du matin en opérations.
J'ai vacation toutes les demi-heures.
Devant, partent les premiers les 'portés du 3ème, ensuite viennent les parachutistes, puis les 'portés de l'E.H.R. et du P.C. puis enfin l'artillerie et deux Scouts : Lebraq et Deschamp.
Toute la journée nous roulons et le 3ème se fait accrocher au radier.
Les villages flambent...
Mais on ne retrouve aucune trace des deux pauvres types.
Nous rentrons le soir, à la nuit, avec le colonel Mareuge qu'on a attendu en route.
Rien d'important à signaler, seul Richard est muté au 2ème escadron, il nous quitte donc.
Le terme vietnamien "nhà qué" désigne la campagne, le village. "Nguoi nhà quê" veut dire le campagnard, le villageois.
Les Français appelaient phonétiquement [gna-coués], les paysans en général.
Vers 1930, le critique Hoài Thanh (1909 -1982), qui signait "Le Nhàquê" dans la Gazette de Huê.
Un jour il répondait à un adjudant français qui se plaignait de sa solde mensuelle de 160 piastres :
Avec 3 sous par jour, notre nhàquê s'estime déjà heureux (1 piastre = 100 sous). Mais il n'est pas aisé de gagner 3 sous par jour.
Le moins facile à trouver [ce sont] les coolies, des milliers de coolies, et les retenir à Hongay, les empêcher de s'enfuir. Dès que le tonkinois a quelques piastres dans sa bourse , il quitte l'ouvrage et retourne à sa rizière.
A l'époque du têt, aux approches de la moisson, tous veulent revoir leur village, et c'est alors par milliers qu'ils s'échappent. On leur verse, s'ils ont bien travaillé, une piastre tous les 10 jours : c'est ce qu'on appelle ici : faire une avance ! (R. Dorgeles)
En 1948, les partisans sont dotés du statut provisoire d'autochtones acceptant de participer au rétablissement de l'ordre dans leur région d'origine.
Leur hiérarchie s'étend de partisan à capitaine avec une solde journalière de 4 piastres pour un partisan, plus une prime de 3 à 9 piastres, jusqu'à 20.
En cas de blessure occasionnant une invalidité permanente, l'homme perçoit 1.000 piastres (d'après le Colonel RIVES).
Voir page Les nhàqués.
C'est un simple nhà-qué qui s'enrôle à cause de l'appât d'une solde et d'un fusil...
La plupart sont laissés seuls, presque sans armement, dans des tours de garde le long des routes. Le règlement interdit de leur donner des armes automatiques, car les viets les attaqueraient pour s'en emparer.
Lucien Bodard,
La guerre d'Indochine. Les nhàqués
Soldats |
Réguliers / Tirailleurs |
Supplétifs / Partisans |
1946 |
24 911 |
5 000 |
1947 |
34 164 |
10 109 |
1952 |
63 846 |
41 900 |
1954 |
58 497 |
51 720 |