LOUIS–FERDINAND CÉLINE

L'ÉCOLE DES CADAVRES

Je propose un décret :

Le Travail est inhumain pendant la digestion.

À

JULIEN

"L'APOSTAT"

1938, Éditions Denoël, 179 p.

Céline démissionne du dispensaire de Clichy et, en 1938, compose un nouveau pamphlet pacifiste et antisémite, L'École Des Cadavres.

" Une verve emportée et un ton magnifique qui décourage les imitateurs, des pages bourrées de substance, éclatantes et lucides, assénées, virulentes, définitives. "

" L'École des Cadavres, c'était l'application à la France de la théorie du juif. Si jamais il y eu livre prophétique, ce fut bien celui là. Tout y est dit, tout y est nommé, prévu, écrit, annoncé dans les termes les plus clairs."

" C'était le grand cri d'alarme, le ‟ hola ˮ terrible qui aurait du arrêter tous les français sur la pente de la guerre. Il ne fut entendu que par les juifs. Et, vivement, le gouvernement fit une loi pour la protection des juifs. "

" Et l'on (…) migeota à Céline (…) un procès en correctionnelle. Et comme de bien entendu, [il fut] condamné. Bagatelles et L'École étaient interdits." (Denoël, le cahier jaune, 1 nov. 41)

L'écrivain est unanimement rejeté par ceux qui avaient encensé le Voyage. En mai 1939, le décret Marchandeau oblige l'éditeur à retirer de la vente ces deux pamphlets. (wiki)

" Quelques mois plus tard, la guerre éclatait... "

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Prolétaires, ouvriers, paysans, cessez donc un petit peu de vous gratter, de vous tripoter, de vous distendre, de prétendre que vous êtes partageux jusqu'aux fibres, socialistes, communistes, égalitaristes fanatiques, vous n'êtes rien de tout ceci.

Pas plus que Monsieur Jouhaux, pas plus que Blum, pas plus que Staline, pas plus que M. Lebrun, pas plus que M. Bader, moins que le charbonnier du coin. Vous êtes tous, un pour chacun, férocement personnels, hypocrites, ravageurs, envieux.

Vous n'attendez que le signal des journées émancipatrices pour foncer sur le bazar et vous servir personnellement, vous régaler personnellement, tout en réglant au passage quelques petits comptes personnels, sur des ennemis très personnels.

Jamais les révolutions n'ont servi à autre chose, celle-ci, la prochaine, la marxiste, sera encore pire que toutes les autres, perfectionnée.

Par la raison raisonnante, la dialectique matérialiste, l'enseignement obligatoire prosaïste, vous voici très au point, formant la plus belle horde hargneuse, muflisée, dénigrante, poubelleuse, ravagière, qui sera jamais tombée sous le caparaçon des Juifs, depuis Constantin.

Vous m'en direz des nouvelles.

Butés, jobards, sceptiques, présomptueux et cocus vous voici enfin prêts, affranchis pour les plus mirifiques réformes ! Ça va être propre ! Le progrès vous attend !

Progrès nous voici ! Frais comme l'œil ! Saouls comme trente-six papes ! Sanglants comme la Villette ! Cons comme une affiche ! comme trente-six millions d'affiches électorales ! Rationnels comme les chiots !

Ça ira ! Ça ira très bien ! C'est l'évacuation qui commence ! Sus aux bourgeois ! Allons-y ! Le bourgeois ? mais lui aussi c'est un chiot ! Et comment !

« L'homme chie… il a faim, c'est tout ! »

Il est frère du peuple, le bourgeois ! sang par sang, bourgeois maudit ! Le frère envié ! trop jalousé ! Le frère qui a réussi ! Quelle situation dans le monde ! La plus adorable de toutes : Bourgeois !

Votre idole rationnelle Peuple ! Votre Dieu fait Bourgeois ! Vous ne rêvez que d'être lui, à sa place, rien d'autre, être lui, le Bourgeois ! encore plus que lui ! toujours plus bourgeois ! C'est tout !

L'idéal ouvrier c'est deux fois plus de jouissances bourgeoises pour soi tout seul. Deux fois plus de boyaux, deux fois plus gros,deux fois plus long pour soi tout seul (22 mètres au lieu de 11).

Deux, trois autos plutôt qu'une, quatre forts repas par jour, huit apéritifs, et pas d'enfants du tout, donc trois fois plus d'économie. Une super bourgeoisie encore bien plus tripailleuse, plus motorisée, beaucoup plus avantageuse, plus dédaigneuse, plus conservatrice, plus idiote, plus hypocrite, plus stérile que l'espèce actuelle : qui ne pensera plus à rien, qui ne rêvera plus à rien, sauf au menu du prochain gueuleton, aux bouteilles qu'on pourrait boire, avec trois ou quatre gosiers, bedaines en plus.

Et puis alors « vivent les gendarmes ! » Un coup ! vivent tous les gendarmes ! et les gardes-mobiles ! et les Propriétés Foncières.

Boyaux avides prolétaires contre boyaux contractés bourgeois. C'est toute la mystique démocratique. C'est consistant, mais ça rampe, c'est lourd, ça fatigue, ça pue. Pensez-vous que cette farce, cette gangrènerie poussive puisse durer encore très longtemps ?

Salut ! Nenni mes beaux sires ! Nous y sommes ! La chandelle est morte Je n'ai plus de feu ! Ouvrez-moi la porte, crapauds rouges ! Entrez Merveilleux ! Têtes d'épingles, vous n'avez compris dans le communisme que l'admirable instantanée façon d'assouvir immédiatement, en férocité, au nom d'une nouvelle pureté, vertu prolétarienne, inexistante, toutes vos rancunes de rentiers ratés, de chacals déçus.

Votre plan intime, personnel, ne va pas plus loin. Je vous connais assez bien. Évidemment, l'Humanité parle pas comme ça. Tout flatteur vit aux dépens… et dans la terreur des masses. 93 ! 71 ! 36 ! grandes masses démocratiques à la gloire du Peuple-Dieu ! du Peuple-Bétail ! Peuple-Dieu dans les paroles, Peuple-Bétail dans les faits. Peuple pour tous les Abattoirs.

Mais qu'avez-vous donc fait de votre fienterie personnelle ? de votre égoïsme de pourceaux sournois ? de votre fainéantise spirituelle ? de votre mesquinerie ragoteuse ? De votre rage éternellement dénigrante ? De votre paresse vinassière ? Où les avez-vous cachés tous ces trésors prolétariens, Masse de masse ? pendant la grande Élévation ? Le grand service divinatoire populiste ? La sublimation du peuple ? Peuple-Roi ? Peuple-Dieu ? Peuple-Tartufe ?

Un système social quelconque livré aux instincts magnifiques du peuple (Humanité dixit), système de n'importe quelle formule, la plus ingénieuse, la plus méticuleuse, la plus astucieuse, la mieux équilibrée, ne peut aboutir après huit jours, quinze jours de tentative qu'aux gigoteries sadiques, aux cirques de décapités, aux pitreries infernales genre Russie, genre Bela Khun, genre Barcelone, c'est écrit.

C'est gagné d'avance. À table ! peuple ! aux aveux marrants ! Sournois martyrs ! Damnés coquins ! Vous vous cognez éperdument tout un chacun du sort de votre classe ! C'est le dernier de vos soucis prolétaires, le sort de votre classe !

Qu'ils y restent donc tous dans la merde, les frères de classe ! pourvu que vous, personnellement, vous trouviez le filon d'en sortir. Vous faites tous, toutes les grimaces du communisme.

Vos convictions ne dépassent pas la grimace, le beuglement. Les voix ne coûtent rien. Les bulletins non plus. La conscience de classe est une foutaise, une démagogique convention. Chaque ouvrier ne demande qu'à sortir de sa classe ouvrière, qu'à devenir bourgeois, le plus individuellement possible, bourgeois avec tous les privilèges, les plus exécrables, les mêmes égoïsmes implacables, les mêmes préjugés, renforcés, les mêmes singeries, toutes les tares, la même avarice et puis alors une de ces haines pour la classe ouvrière !

Le prolétaire, le militant le plus ardent, il a envie de partager avec son frère damné de classe, à peu près comme le gagnant à la loterie nationale, il a envie de partager avec tous ceux qui ont perdu. Il veut bien partager la merde ce prolétaire, mais pas le gâteau. Il donnerait même bien à ses frères de classe toute la merde pour avoir lui tout seul tout le gâteau.

Sa ventripotence juive Jouhaux, avant de devenir empereur à la C.G.T., il avouait assez carrément ne l'avoir jamais rencontrée, la conscience de classe. Elle a donc surgi depuis peu la conscience de classe ? Ça m'étonnerait, j'ai rien vu. Pas plus de communisme véritable dans les classes prolétariennes que de pâquerettes au Sahara.

Aussi loin d'un "fidèle lecteur", d'un effervescent de la "Base" au communisme authentique, que de la chaisière bigoteuse à Sainte-Thérèse d'Avila.

Le communisme est avant tout vocation poétique. Sans poésie, sans ferveur altruiste brûlante, purifiante, le communisme n'est qu'une farce, le dépotoir de toutes les rages, de toutes les rancunes plébéiennes, le tréteau pourri de tous les faisans, de tous les barbeaux tragiques, de tous les Juifs en performance d'imposture talmudique.

À combien d'univers sommes-nous de cette Grande Passion altruiste ? Unanime ? de la foi communiste ? jamais en défaut, jamais en tricherie, jamais en exploitation ? De ce fameux "état d'amour" dont le peuple et le bourgeois ont continuellement plein la gueule, qu'ils n'arrêtent pas d'invoquer, mais qui leur sert jamais qu'au cul, une ou deux fois par semaine, avec beaucoup de poils autour et tout pourri de jalousie.

À combien d'Univers ?