Aldous Huxley à Georges Orwell :

La révolution ultime a été retardée...

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Aldous Leonard Huxley

En 1931, Aldous Leonard Huxley, né le 26 juillet 1894, en Angleterre, écrit Le Meilleur des Mondes, en 4 mois.

Il y développe la vision d'une société totalitaire comparable bien que différente par ses moyens de coercition, à celle imaginée par Orwell dans 1984.

A partir de 1948, il s'interresse, en particulier, avec le psychiatre Erickson à la question des états de conscience modifiés.

Il se plonge dans l'étude des courants mystiques et expérimente des drogues psychédeliques.

En 1958, il publie Retour au Meilleur des Mondes, un recueil d'essais, par lequel il actualise Le Meilleur des Mondes

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Franz-Friedrich-Anton Mesmer (médecin et magnétiseur) est expulsé de la faculté de médecine de Vienne après avoir obtenu son diplôme, pour pratiques charlatanesques. [...]

Milton Erickson (1901-1980)

Psychiatre et psychologue américain qui a consacré de nombreux travaux à l'hypnose thérapeutique.

Né dans une petite ville minière du Nevada de descendants scandinaves et indien, il est atteint de troubles sensoriels et perceptifs congénitaux, des le plus jeune age.

Daltonien et amusique, il prend conscience rapidement du caractère relatif des cadres de références des êtres humains.

Son approche innovante en psychothérapie repose sur la conviction que le patient possède en lui les ressources qu'il faut utiliser pour sa guérison.

Atteint de poliomyélite à l'âge de dix-sept ans, il sort totalement paralysé d'un coma de trois jours, seulement capable de parler et de bouger les yeux.

Ses jeux d'observation, lui permettent de développer une capacité à percevoir les signes non-verbaux émis à la limite du seuil de perception. Erickson a expérimenté sur lui-même, lors de sa rééducation, certains phénomènes qu'il met ensuite en application dans l'hypnose thérapeutique.

Ses travaux ont inspiré la programmation neuro-linguistique.

En 1921, après onze mois d'entraînement, Erickson est capable de marcher avec des béquilles et s'inscrit parallèlement en médecine et en psychologie à l'université du Wisconsin.

Le 15 juin 1922, avec seulement cinq dollars en poche, Erickson entreprend un périple solitaire de 1 200 miles en canoë à travers les quatre lacs de la région de Madison dans le Wisconsin.

Il revient de son aventure capable de marcher sans béquilles et de porter son canoë sur son dos, ses cinq dollars toujours en poche.

Alors étudiant en troisième année de médecine, il participe au séminaire sur l'hypnose organisé à l'université du Wisconsin par Clark L. Hull, un des pères fondateurs de la psychologie expérimentale et son application à l'hypnose. Erickson critique « l'acharnement de Hull à instaurer une « technique standard » pour l'induction » sans tenir compte des différences individuelles entre les sujets.

Au début des années cinquante, Erickson et Aldous Huxley consacrent beaucoup de temps à préparer une étude commune sur les différents états de conscience. Leur projet prend fin lorsqu'un incendie détruit la maison de Huxley à Los Angeles et leurs carnets respectifs pour cette étude.

Erickson souffre de douleurs chroniques qu'il combat par l'auto-hypnose :

-Il me faut en général une heure après le réveil pour me débarrasser complètement de la douleur. Cela m'était plus facile quand j'étais plus jeune : j'ai à présent plus de difficultés dans les muscles et les articulations... Ces derniers temps, la seule manière que j'ai trouvée de contrôler ma douleur est de m'asseoir dans mon lit, de tirer une chaise à côté et de presser mon larynx sur le dossier de la chaise. C'est très inconfortable, mais cet inconfort je le crée délibérément.

Dans son enseignement en psychothérapie, Erickson apprenait à ses élèves à bien observer le patient sans avoir d'idées préconçues sur lui. Il considérait en outre que l'apprentissage de l'hypnose et de l'autohypnose était un excellent moyen pour le thérapeute de développer ses capacités d'observation. Il soulignait qu'il était lui-même le plus souvent en transe lorsqu'il menait des séances de thérapie.

Un des apports fondamentaux d'Erickson en psychothérapie est l'idée que l'inconscient est utile à la personne, une source d'énergies nouvelles un sujet agissant, doté de caractéristiques différentes du moi conscient de la personne.

Chacun a en lui les ressources, la capacité de soulager ses propres souffrances et de résoudre ses problèmes d'une manière qui ne doit pas nécessairement être comprise au niveau cognitif. L'inconscient accomplit des faits dont la conscience est incapable, et qu'elle ne conçoit souvent même pas.

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Marquis de Puységur, Amand Marie Jacques de Chastenet, disciple de Mesmer, obtient chez l'un de ses valets, un état de somnambulisme. [...]

James Braid, Chirurgien écossais, utilise la magnétisation avec succès, en anesthésie pour une intervention chirurgicale.

James Esdaile, Chirurgien assistant à Calcutta, réputé pour sa pratique de la chirurgie sans douleur.

Eugène Azam et Paul Broca, "L'anesthésie hypnotique, est une méthode puissante, présentant de nombreux avantages et applications thérapeutiques".

Télévision, et les enfants ?

Une étude révélait que l'exposition des enfants, avant 3 ans, à la télévision, pouvait altèrer la formation des synapses, dans le cerveau infantile [...]

« Il y aura dès la prochaine génération une méthode pharmaceutique pour faire aimer aux gens leur propre servitude, et créer une dictature sans larmes, pour ainsi dire, en réalisant des camps de concentration sans douleur pour des sociétés entières, de sorte que les gens se verront privés de leurs libertés, mais en ressentiront plutôt du plaisir ».

« Wrightwood. Californie, 21 Octobre, 1949.

« - Cher Monsieur Orwell, c'était très gentil de votre part, de me faire parvenir une copie de votre livre.

Je l'ai reçu alors que j'étais au milieu d'un travail qui exigeait de nombreuses lectures et (...) j'ai dû attendre un long moment avant de pouvoir m'embarquer dans 1984.

« Je suis d'accord avec tout ce que les critiques ont écrit à son sujet, je n'ai pas besoin de revenir, une fois de plus, sur la finesse et la profonde importance du livre. »

Une année après la sortie du roman d'anticipation de Georges Orwell, Mille-neuf-cent-quatre-vingt-quatre, Aldous Huxley, faisait part à l'auteur, qui fut son élève à Eton, de quelques remarques à propos de ce dont le livre traite et qu'il définit comme : la révolution ultime.

« Celle qui se trouve au-delà de la politique et de l'économie, et qui vise à la subversion totale de la psychologie et de la physiologie de l'individu ».

« La philosophie de la minorité au pouvoir dans Mille-neuf-cent-quatre-vingt-quatre est un sadisme qui a été porté jusqu'à sa conclusion logique (...)

Même dans la réalité, il paraît douteux que la politique du gant de fer puisse durer indéfiniment.

« Ma conviction personnelle est que l'oligarchie dirigeante va trouver des moyens moins pénibles et coûteux - en suggérant aux gens d'aimer leur servitude - de gouverner et de satisfaire sa soif de pouvoir, et ces moyens seront semblables à ceux que j'ai décrits dans Le Meilleur Des Mondes. »

Quand il écrit cette lettre, Aldous Huxley est installé depuis une dizaine d'années aux États-Unis, dont il apprécie la généreuse extravagance, mais déteste la "quête du bonheur à-tous-prix" :

« Nulle part ailleurs on ne peut moins se parler, tout n'y est que mouvement et bruit ».

Quand Mille-neuf-cent-quatre-vingt-quatre sort, en 1948, Orwell dépeint un monde en guerre permanente, carcéral et paranoïaque, où les restrictions, tant matérielles que morales, et la surveillance de chacun, sont consenties pour la sécurité de tous.

Deux ans auparavant, Huxley avait pressenti le danger d'un cauchemar - pas encore - Orwellien, se dessiner :

« À l'époque actuelle, les horreurs de l'insécurité, telles qu'elles se manifestent surtout dans le chômage massif, se sont imprégnées si profondément dans l'esprit populaire que si on leur offrait le choix entre la liberté et la sécurité, la plupart des gens voteraient presque sans hésiter pour la sécurité ».

Dans Le Meilleur Des Mondes, un conditionnement pré-natal -en éprouvettes- prépare les groupes d'individus, réduits au minimum, à accepter et se satisfaire de leur situation par la modification du milieu amniotique et le recours à des chocs traumatiques divers : bruits, lumières vives, chocs électriques, etc. Le consentement définitif n'étant finalement obtenu que par la prise d'un barbiturique, stabilisateur d'humeur, hypnoïde, à la fois puissant et léger, euphorisant et somnifère, selon la quantité absorbée.

Huxley est convaincu qu'un gouvernement mondial appuyé sur la technologie est plus vraisemblable, qu'un règne de la terreur, pour de simples raisons d'efficacité.

« J'ai eu récemment l'occasion de me pencher sur l'histoire du magnétisme animal et de l'hypnose, et j'ai été très frappé par la façon dont, pendant quelques cent cinquante ans, le monde a refusé de prendre sérieusement connaissance des découvertes de Mesmer, Braid, Esdaile, et les autres. »

« Merci à l'ignorance volontaire de nos pères. Les philosophes du XIXe siècle et les hommes de sciences n'étaient pas disposés à enquêter sur la psychologie des hommes d'action, politiciens, soldats et policiers, pour les appliquer dans le champs du gouvernement. ».

Le magnétisme animal

Franz-Friedrich-Anton Mesmer était un médecin allemand, qui a connu une certaine renommée en Europe, par sa pratique du magnétisme animal, un fluide universel dans lequel baignerait toute chose et sur lequel il lui suffisait d'agir pour obtenir des guérisons.

Contrairement au Père Hell, un jésuite astrologue, qui utilise des aimants de sa fabrication pour prodiguer ses soins, Mesmer agit par apposition directe des mains sur les zones à traiter.

Chassé de la faculté de Vienne pour charlatanisme, Mesmer, s'installe à Paris, où, protégé par la Reine Marie-Antoinette, sur laquelle il pratiquait, il ouvre un cabinet et se livre à des séances de magnétisation de groupes, autour de baquets, qui décuplent, selon lui, la puissance du fluide,

[En savoir plus].

Certains baquets pouvaient traiter jusqu'à vingt personnes à la fois, assurant la fortune de Mesmer qui en avait aussi installé un gratuit, réservé aux pauvres.

Pour répondre à la demande, il magnétisait les arbres de son jardin afin que ceux qui ne trouvaient pas de place autour des baquets puissent les enlacer !

[voir Mémoire sur la découverte du magnétisme animal]

En 1784, à la demande du Roi Louis XVI, deux Commissions d'enquête composées de médecins et de scientifiques, dont Antoine Lavoisier, Benjamin Franklin (ambassadeur des États-Unis à Paris) et Joseph Guillotin, en arrivent à la conclusion que « rien ne prouve l'existence du fluide magnétique animal ».

Ainsi « la lumière fut mise sous le boisseau », et c'en fut fait de la réputation de Mesmer à la Cour (et de la Cour, elle-même, quelques années plus tard, ceci-dit).

[lire Sur le Magnetisme Animal de la comission Royale]

La télévision, un outil de contrôle

« Un autre accident heureux fut l'incapacité de Freud à hypnotiser avec succès et de son dénigrement de l'hypnose qui en résulta. L'avènement de la révolution ultime a été retardée de cinq ou six générations ! »

« Mais maintenant, la psychanalyse est combinée avec l'hypnose ; et l'hypnose a été rendu facile et indéfiniment extensible par l'utilisation des barbituriques, qui induisent un état hypnoïde et influençable, même chez les sujets les plus récalcitrants. » (…)

« Dans la prochaine génération, je crois que les dirigeants du monde vont découvrir que le conditionnement du nourrisson et la narco-hypnose sont plus efficaces, comme instruments de gouvernement, que les associations et les prisons. »

« Je pense que le cauchemar de 1984 est destiné à évoluer vers le cauchemar d'un monde ayant plus de ressemblance avec ce que j'ai imaginé dans Le Meilleur Des Mondes ».

Huxley, au contraire d'Orwell qui n'y voit qu'un instrument de surveillance et de propagande grossière, destine à la télévision, un rôle de choix parmi les nombreux outils de contrôle de la population, qu'il décrit dans son Retour au Meilleur des Mondes.

Mais si Orwell y avait décelé l'outil de surveillance qu'elle est devenu dans le domaine public, il a négligé ce qui est devenu une de ses fonctions principales, l'hypnotisation générale de la population, sa mise en condition de réceptivité qui prépare à l'orientation générale, et insidieuse, de la société.

Certaines études ont démontré l'impact négatif de la télévision sur le développement cérébral du petit enfant, notamment au niveau fondamental de la synaptogénèse, la formation des synapses dans le cerveau. Aussi sûrement que l'ajout d'un peu d'alcool dans les éprouvettes Gamma...

En 1964, le philosophe Marshall McLuhan expliquait que la télévision était le vecteur privilégié de la publicité parce qu'elle avait le pouvoir de faire « tomber la barrière de l'inconscient et le sentiment d'extériorité des scènes regardées ».

La télévision provoque d'emblée un état proche de celui de l'hypnose et « Seule l'hypnose peut donner un accès aisé, rapide et large à l'inconscient » écrivait le psycho-thérapeute-hypnotiseur Milton-the wizzard-Erickson [voir ci-contre]

Milton Erickson décrit volontiers l'état modifié de la conscience obtenu pendant une séance d'hypnose, comme celui produit par la lecture d'un livre passionnant, la contemplation, la conduite automobile ou le simple fait de se perdre dans ses pensées.

Erickson était célèbre pour plonger délibérément ses sujets dans un état d'ennui profond, en leur racontant des histoires qui n'en finissaient pas, afin de provoquer l'état de confusion qu'il recherchait pour induire l'hypnose...

Ce qui constitue exactement le principe de certains programmes télévisés, interminables, ennuyeux, creux et répétitifs, destinés ouvertement et au premier abord, à vendre des lessives, des fringues et du cola, mais également au second degré, surtout, à banaliser des comportements, créer des précédents, induire des modèles conformes et inciter à l'utilisation d'autres inducteurs d'état influençable comme l'automobile et le téléphone portable.

Trust, Expectations, Attitudes & Motivations

Une séance d'hypnose normale, a lieu, en général, entre deux personnes, l'opérateur et le sujet.

Cela commence par une phase d'induction, pendant laquelle l'opérateur fixe l'attention du sujet sur sa voix, avec parfois l'aide d'un objet.

Plus le sujet se sentira en confiance, plus facilement il sera influençable. Une certaine directivité peut s'avérer nécessaire à la conduite de la séance, mais le sujet doit vouloir aller plus loin.

Le processus est ainsi décrit par l'acronyme T.E.A.M. (en anglais : Trust, Expectations, Attitudes & Motivations ; en français Confiance, Attentes, Disposition d'Esprit et Motivations).

T (trust) et E (expectation) :

Le poste de télévision tient le rôle d'inducteur dans le conditionnement narco-hypnotique de la société, l'opérateur reste, quand à lui, invisible.

Et si la manette c'est vous, le joueur, c'est lui !

Comme dans le cadre d'une séance avec le Dr Braid, [voir ci-contre] le téléspectateur fixe volontairement son attention sur une source lumineuse.

Il devient, lui même, l'écran sur lequel est projeté le programme, contrairement au cinéma.

Il se trouve en position d'attente de son émission préférée et des promesses de distraction qu'elle va lui apporter.

A (attitude) et M (motivation) :

Le consommateur de feuilletons qui n'en finissent pas, est plongé dans un état proche de l'ennui, son attention retenue par des détails insignifiants qui le maintiennent dans un état de confusion recherché pour induire l'hypnose.

L'ambiance musicale apaisante, les voix douces sont régulièrement interrompues par l'irruption de flashs bruyant sinon traumatisant - pubs, infos, bandes-annonces, qui rompent brutalement la torpeur, et installent soudain un climat d'angoisse, un sentiment d'insécurité, qui balaie définitivement les dernières réticences du spectateur et le plonge, corps et âme, sous l'influence du médium de masse.

Au delà de la télévision et de l'induction Ericksonnienne, que dire de ces "baquets" des temps modernes que constituent les téléphones cellulaires et leurs relais.

Mesmer n'aurait pas renié cette forme de magnétisation générale, à volonté, à toute heures, l'usager, d'une pression du doigt se relie au baquet électromagnétique et applique son récepteur -qui remplace la tige de métal et la corde de l'illustre ancêtre, sur son oreille, sans doute pour traiter un cerveau malade, des maux de tête.

Peut-être serait-il une lumineuse idée d'essayer d'appliquer un téléphone portable en activité sur les zones du corps douloureuses comme la baguette d'un Mesmer.

Le remplacement de la cigarette par le téléphones portable, dans la main des personnages principaux, à toutes les séquences de n'importe quelle fiction, cinématographique ou télévisuelle, depuis ces quinze dernières années, consiste à banaliser l'objet et encourager son utilisation : Poison contre poison ?

L'hypnoïde inhalé s'étant sans doute avéré moins efficace, voir contre-indiqué, pour le puissant outil de magnétisation générale qu'est la technologie "à-emporter", qui a finalement plongé les citoyens dans un bain de micro-ondes émises par les antennes-relais.

« Le changement sera apporté en réponse au besoin éprouvé d'une meilleure efficacité. Pendant ce temps, bien sûr, il peut y avoir une guerre biologique et atomique à grande échelle - auquel cas nous aurons à affronter d'autres types de cauchemars à peine imaginable. »

Aldous Huxley