THÉODORE DE BÈZE
TRAITÉ CONTRE L'ASTROLOGIE QU'ON APPELLE JUDICIAIRE
MAITRE JEAN CALVIN
Saint Paul nous avertit d'une, chose bien nécessaire, à laquelle bien peu de gens prennent garde ; c'est que ceux qui ne tiennent compte de cheminer en bonne conscience, se détournent et s'égarent de la foi. Car il signifie que ceux qui polluent leurs consciences en s'abandonnant à mal, ne sont pas dignes d'être maintenus en là pure connoissance de Dieu, mais plutôt méritent d'être aveuglés pour être séduits par diverses erreurs et erreurset et c'est merveille que nous y pensons si peu, vu que tous les jours nous en avons tant d'expériences devant nos yeux. Il est certain que Dieu n'ôte jamais sa vérité à ceux auxquels auxquels ena donné quelque goût, sinon d'autant qu'ils l'ont mal reçue, etinême en ont abusé ou en une folle ambition, ou à autres affections charnelles. De fait, puisque ceux qui ont de l'argent sont tant soigneux à le bien garder, c'était bien raison que ce trésor inestimable de l'Évangile, quand Dieu nous en a enrichis, fût comme, enfermé en bonne conscience, qui est, par manière de dire, le vrai coffre, pour le tenir en bonne garde et sûre, à ce qu'il ne nous soit ravi par Satan. Et qu'advient-il au lieu de cela? la plupart se sert de la parole de Dieu seulement pour avoir de quoi deviser en compagnie. Les uns sont menés d'ambition, d'ambition, autres en pensent faire leur profit. Il y en a même qui en pensent faire un macquerellage pour avoir accès aux dames. Beaucoup ne savent à quel propos ils désirent d'y entendre, entendre, d'autant qu'ils sont honteux d'y voir mordre les 108 OEUVRES FRANÇOISES autres, et qu'ils soient méprisés par leur ignorance, Tant y a que quasi tous, ou peu s'en faut, convertissent cette doctrine de salut en je ne sais quelle philosophie profane, qui est une pollution pollution Dieu ne peut porter, pourtant que c'est une chose trop sacrée que sa parole, pour en abuser ainsi. Elle doit être vive et d'une telle efficace qu'elle transperce lès coeurs pour, examiner tout ce qui est dedans l'homme, oui, jusqu'aux moëlles des os, comme dit l'Apôtre. Si on s'en ébat et qu'on la fasse servir de plaisanterie, pensons-nous que Dieu veuille souffrir un tel anéantissement de la vertu d'icelle? Elle doit rédârguer rédârguer ainsi que dit Saint Paul, à ce qu'il apprenne à se condamner et donner gloire à Dieu en s'humiliant. Si on la tourne à vanterie et vaine gloire, n'est-ce pas un déguisement qui mérité griève punition? Elje nous doit transfigurer en l'image de Dieu, réformant ce qui est du nôtre en nous, Si on prend occasion, sous ombre d'icelle, de s'entretenir en ses vices, ne faut-il pas que Dieu corrige non -seulement un tel abus d'avoir converti la viande en poison, mais aussi un tel sacrilège sacrilège fait servir la règle de bien vivre à une licence de tout mal? Il n'est jà métier de déchiffrer par le menu la vie de la plupart de ceux qui se disent avoir connu la vérité de l'Évangile. l'Évangile. y a qu'qn voit bien en somme qu'aucuns, au lieu de .s'être amendés, en sont plutôt devenus pires. Le reste va toujours son train ; pour lé moins on n'y aperçoit guère de changement. Saint Paul, parlant de la conversion qui doit être aux phrétiens, et des fruits qui doivent propéder de Jeur nouvelle vie quand ils sont-réformés à l'image du Fils de Dieu, dit : « Que celui qui dérpboit dérpboit dérobe plus. » En quoi il signifie que si nous avons suivi mauvais train, sitôt que Dieu. nous a fait la gràce de nous déclarer déclarer volonté, il nous faut tourner bride. Au Ijeu de cela, peux qui se disent aujourd'hui chrétiens, se dispensent sans scrupule d'être pour le moins semblables aux autres; tellement que celui qui avoit accoutumé de paillarder ne laisse point de continuer; en ,sa vilenie; les jeux, les blasphèmes sont autant débordés entre eux qu'auparavant. Les superfluités et les pompes sont expuséps comne choses indifférentes, jacoit qu'on voie qu'elles ne servent qu'à orgueil, ambition et à toute vanité. Davantage, chacun état DE CALVIN. 109 a son évangile à part, selon qu'ils s'en forgent à leur appétit, de sorte qu'il y a aussi grande diversité entre l'évangile de cour, et celui des gens de justice et avocats, et celui des marchands, comme entre les monnoies forgées de coins bien différents; sinon sinon tous ont une marque semblable, à savoir qu'ils sont du monde, et en cela ils n'ont rien de convenance avec Jésus-Christ, lequel nous en veut séparer. Par quoi c'est bien raison que ceux qui déshonorent ainsi la doctrine de l'Évangile soient confus, et que Dieu les expose à la moquerie de chacun, attendu qu'ils ont été occasion que son saint nom fût blasphémé. C'est bien raison aussi qu'il les élourdisse et prive de toute raison et sens humain, puisqu'ils n'ont pu faire leur profit de cette sagesse, laquelle est admirable aux auges de paradis. Voilà d'où procèdent aujourd'hui tant de folles opinions, ou plutôt rêveries auxquelles il n'y a nulle couleur ni apparence, et toutefois sont reçues comme si c'étoient révélations venues du ciel. Bref, puisque arrogance arrogance la droite racine de toutes hérésies, fantaisies extravagantes, extravagantes, et méchantes opinions, ce n'est pas merveilles si Dieu laisse tomber en tant de folies ceux qui n'ont point tenu le vrai régime pour persévérer en l'obéissance de sa vérité, qui est de s'humilier en sa crainte. Or, d'autant que ce vice est aussi commun aujourd'hui qu'il fut jamais, nous en voyons aussi les fruits, tellement que tous les erreurs qui volent par tout le monde sont autant de punitions de ce que l'on a abusé de la sainte parole de Dieu. Combien que mon intention n'est pas de faire un long récit de tous, pour ce que le nombre en seroit infini, je me contenterai donc d'un seul exemple. Il y a eu de longtemps une folle curiosité de juger par les astres de tout ce qui doit advenir aux hommes, et d'enquérir de là et prendre conseil de ce qu'on avoit à faire. Nous montrerons montrerons au plaisir de Dieu, que c'est une superstition diabolique. diabolique. fait, elle a été rejetée d'un commun accord comme pernicieuse au genre humain. Aujourd'hui elle se remet audessus audessus en sorte que beaucoup de gens qui s'estiment de bon esprit, et aussi en ont eu la réputation, y sont quasi ensorcelés. Quand Dieu ne nous aurait révélé de notre temps la pureté de: son Évangile, toutefois, vu qu'il a ressuscité les sciences humai10 humai10 110 OEUVRES FRANÇOISES nés, qui sont propres et utiles à la conduite de notre vie, et, en servant à notre utilité, peuvent aussi servir à sa gloire, encore auroit-il juste raison de punir l'ingratitude de ceux qui, ne se contentant point des choses solides et bien fondées, appètent, par une ambition outrècuidée, de voltiger en l'air. Maintenant, puisqu'il nous a élargi tous les deux, c'est qu'il nous a remis remis arts et sciences en leur entier, et surtout nous a restitué la pure connoissànce de sa doctrine céleste, pour nous mener jusqu'à lui et nous introduire en ses hauts secrets et admirables , s'il advient qu'aucuns, au lieu d'en faire leur profit, profit, mieux de vaguer à travers champs que de se tenir entre les bornes, ne méritent-ils pas d'être châtiez au double double ce gui advient de fait, lorsqu'ils sont si hébétés ou plutôt plutôt d'appliquer tout leur étude à un abus frivole où ils ne font que se tourmenter sans nul profit. Je sais les beaux titres dont ils fardent une si sotte superstition. Nul ne peut -nier que la science d'astrologie ne soit honorable. Ils se couvrent couvrent de ce manteau, ils se nomment mathématiciens, lequel mot vaut autant à dire que professeurs des arts libéraux. Tout cela n'est point nouveau ; car leurs prédécesseurs ont bien prétendu le semblable pour abuser le monde. Mais quand nous aurons vu à l'oeil qu'il n'y a nul fondement en toute leur sottise, sottise, d'astrologie, ni de science aucune, il n'y aura point occasion de nous ébahir de ces masques, sinon qu'ils en fissent peur aux petits enfants. Même toutes gens de.moyen savoir n'auraient point fort affaire de mon avertissement pour être instruits instruits s'en garder. Ainsi, ce présent Traité sera plutôt pour les simples et non lettrés, qui pourraient aisément être séduits par faute de savoir distinguer entre la vraie astrologie et cette superstition de magiciens ou sorciers. Voyons donc, en premier lieu, jusqu'où s'étend la vraie astrologie, qui est la connoissànce de l'ordre naturel et disposition que Dieu a mise aux étoiles et planètes, pour juger de leur office , propriété et vertu, et réduire réduire tout à sa fin et à son usage. Nous savons ce que dit Moïse, que Dieu a ordonné le soleil et la lune pour gouverner les jours et les nuits, les mois, les ans et les saisons, en quoi, il comprend tout, ce qui attouche à l'agriculture et à la police. DE CALVIN: . 111 Or, quant à ce régime et conduite dont il parle, vrai est que les ignorants en ont bien quelque goût et appréhension : mais la science d'astrologie ; outre lés effets, montre aussi les causés. Exemple : les plus rudes et idiots voient bien que les jours sont plus courts en hiver qu'eu été, qu'il fait chaud en été et froid en hiver; mais ils ne parviennent pas si haut de juger comment ni pourquoi cela se fait. Les éclipses du soleil et de là lune Sont connues à tout le monde ; mais les causes en s'ont cachées, si ce n'est qu'on les apprenne par doctrine, Il ne faut point aller à l'école pour voir qu'il y a des étoiles au ciel. Mais ce n'est pas à tous de comprendre la nature de leur cours; leurs révolutions; leurs rencontres et autres choses semblables ; car cela requiertun requiertun spécial: Par ainsi; l'astrologie sert à déterminer le cours des planètes et étoiles; tant pour le temps que pour l'ordre et situation : le temps ; dis-je, pour savoir quel terme il faut à chacune planète et au firmament pour accomplir leur circuit ; la situation, pour juger combien il a de distance de l'une à l'autre; discerner les mouvements droits, obliques bu quasi contraires : de là savoir montrer pourquoi le soleil plutôt est plus loin de nous en hiver qu'en été; pourquoi il fait plus longue demeure sur nous en été qu'en hiver; de savoir cbmpasser à l'endroit de quel signe du zodiaque il est chacun mois, quelle rencontre il a avec les autres planètes ; pourquoi la lune est pleine ou vide selon qu'elle se recule du soleil bu en approché; comment se font les éclipses, voire jusqu'à compasser les degrés degrés minutes. Ce fondement mis, s'ensuivent les effets que nous voyons ici-bas ; lesquels par l'astrologie on corinoît provenir provenir haut; et non-seulement quand ils sont passés, mais pour en être avertis devant le temps. Il n'y à celui qui ne voie les pluies ; les grêlés et neiges, et qui n'oie le bruit des vents ; niais nul ne sait les causes que par le moyen de l'astrologie; laquelle; connue j'ai dit, en donne même quelques conjectures pour l'avenir-; l'avenir-; qu'on n'en peut pas faire une règle; perpétuelle; Je parle donc du cours ordinaire, qui n'est point empêché d'autres accidents survenant d'ailleurs. Or, voici le noeud de la matière que nous avons à déduire, car nos astrologues contrefaits prennent prennent maxime qui est vraie : que les corps terrestres et en 112 OEUVRES FRANÇOISES général toutes créatures inférieures sont sujettes à l'ordre du ciel pour en tirer quelques qualités ; mais ils l'appliquent trèsmal. trèsmal. soit, l'astrologie naturelle montrera bien que les corps d'ici-bas prennent quelque influxion de la lune, parce que les huîtres se remplissent ou se vident avec icelle ; pareillement, pareillement, les os sont pleins de moelle ou en ont moins selon qu'elle croit ou diminue. C'est aussi de la vraie science d'astrologie d'astrologie tirent les médecins ce qu'ils ont de jugement pour ordonner tant saignées que breuvages, pilules et autres choses en temps opportun. Ainsi il faut bien confesser qu'il y a quelque quelque entre les étoiles ou planètes et la disposition des corps humains. Tout ceci, comme j'ai dit, est compris sous l'astrologie naturelle. Mais les affronteurs qui ont voulu, sous ombre de l'art, passer plus outre, en ont controuvé une autre espèce qu'ils ont nommée judiciaire, laquelle gît en deux articles articles ; c'est de savoir non-seulement la nature et et complexion des hommes, mais aussi toutes leurs aventures, qu'on appelle, et tout ce qu'ils doivent ou faire ou souffrir en leur vie ; secondement, quelles issues doivent avoir les entreprises entreprises font, trafiquant les uns avec les autres ; et en général général tout l'état du monde. Traitons premièrement de la complexion de chacun selon sa naissance. Or, comme il n'y a jamais mensonge si lourd ni si impudent qui n'emprunte quelque quelque de vérité, je confesse bien, quant à la complexion des hommes et surtout aux affections qui participent aux qualités qualités leurs corps, qu'elles dépendent en partie des astres , ou pour le moins y ont quelque correspondance, comme de dire qu'un homme soit plus enclin à colère qu'à flegme, ou au contraire. contraire. encore en ceci il y a plusieurs choses à noter. Nos mathématiciens, auxquels je parle, assoyent leur jugement sur l'heure de la naissance. Je dis, au contraire, que l'heure de la génération est plus à considérer, laquelle le plus souvent est inconnue. Car la mère n'a pas toujours terme préfix pour enfanter enfanter qu'elle a conçu. Quelques répliques qu'ils aient, si est-ce qu'ils seront convaincus par raison qu'en l'enfantement les astres n'ont pas si grande vertu pour imprimer quelques qualités à l'homme, qu'en sa conception. Je dis encore, le cas DE CALVIN, 113 posé que les astres nous qualifient par leur influence; que cela ne vient point de la naissance ; et de fait; l'expérience commune commune montre : ce n'est pas sans cause que Perse dît : Geminos, horoscopé vavo Producis génio. C'est-à-dirê que sous un même horoscope, deux sortiront du ventre de diverses natures. Cela se voit tous les coups, même en des frères jumeaux,- lesquels seront autant différents de l'un à l'autre, comme si la position des astres avoit été toute contraire, Je laisse à dire que pour juger même par la nativité de la nature nature homme, outre ce qu'il faut avoir tous les degrés du climat bien marqués, il faudroit que le généthliàque eût son astrolabe astrolabe poing ; car de se fier en l'horloge; c'est une chose trop mal sûre. Or est-il ainsi qu'en faillant peu de minutes; on trouvera trouvera changement au regard des astres. Toutefois ; soit par la conception ou naissarièe qu'il faille juger, je demande si le sexe ne surmonte point toutes autres qualités en' la créâture. Or est-il ainsi qu'en un même moment et en un même ventre seront seront fils et filles, et en un momerit une femme accouchera d'un màle, l'autre d'une femelle. Dont vient cette diversité en ce qui est le principal, sinon que les étoiles et planètes n'ont pas telle puissance comme ces gens veulent faire accroire? S'il falloit faire comparaison, il est plus que certain que là semence semence père et de la mère ont une influence Cent fois plus vertueuse que n'ont pas tous les astres, et ce nonobstant j on voit qu'elle défaut souvent, et aussi la disposition, peut être diverse. diverse. deux hommes de natures fort diverses, ayant chacun chacun femme, de nature pareillement répugnante, qui engendrent engendrent en une même heure, que lés femmes accouchent à Une même heure; il adviendra ordinairement que les enfants tiendront chacun de la complexion de leurs pères et mères plutôt plutôt du regard des astres qu'ils ont eu pareil tous deux, et la raison y est si patente, que nul de sain jugement n'ira à rencontre. rencontre. donc de dire quant à l'influence que donnent les créatures célestes aux hommes? Je confesse, Suivant Ce que j'ai.touché,- qu'eâes astres ont bien quelque concurrence pour 10. 114 OEUVRES FRANÇOISES former les complexions, et surtout celles qui concernent Je corps, mais je nie que le principal vienne de là. Je dis même, touchant des causes naturelles qu'on appelle inférieures, que la semence dont les enfants sont procréés précède et est de plus grande importance. importance. dis secondement que les astrologues se fondent mal en jugeant par la nativité plutôt que par la génération. Or est-il ainsi que la génération leur est inconnue. Ainsi, ils n'ont nulle certitude de jugement. Tiercement, je dis que Dieu besogne en plusieurs d'une grâce spéciale, même en formant leur nature, en manière que la constellation n'y aura point de lieu, ou poulie poulie y sera éteinle, pour n'ètre point aperçue des hommes. Voilà quant à l'inclination naturelle. Mais si nous venons à la grâce que Dieu fait à ses enfants lorsqu'il les réforme par son esprit esprit les change tellement qu'ils sont nommés à bon droit nouvelles nouvelles ; que deviendront tous les regards des planètes? Est-ce là que Dieu a fondé son élection éternelle? Si les généthliaques généthliaques qu'on en peut bien user comme de moyens inférieurs, c'est une cavillation trop sotte. Nous voyons comment comment a voulu, de propos délibéré, nous retirer de telles considérations, quand il a Tait naître en second lieu ceux qu'il voulait préférer, comme nous en avons l'exemple en Jacob. Car pourquoi est-ce qu'Ésau, qui devoit être rejeté, est venu devant, si ce n'est que Dieu, en rompant l'ordre commun de nature, nous a voulu élever plus haut, nous admonestant par cela que nous devons avoir les yeux fichés en sa seule volonté, sans les divertir à chercher autres causes? Arrêtons-nous seulement à ce mot, que Dieu réforme tellement les hommes, les appelant à soi, qu'ils deviennent du tout nouveaux. 11 est dit de Satil, quand Dieu le veut disposer pour être roi, qu'il le fera tout autre qu'il n'a été, Cela n'advient pour quelque constellation, ains Dieu besogne en lui outre et par-dessus le cours de nature. S'il le fait en un homme qu'il a élu pour le régime temporel, que sera-ce de ceux qu'il a adoptés pour ses enfants et héritiers du royaume céleste ? Certes, il faut bien que cela surmonte tout le firmament; et de fait, quiconque nie que la régénération ne soit une oeuvre "de Dieu supernaturelle, non-seulement se montre profane, mais renonce ouvertement la foi chrétienne. A cette cause, il DE CALVIN. 115 nous faut limiter la vertu des astres à ce qui attouche le monde et appartient au corps, et est de l'inclination première dé nature; exceptant ce que Dieu donne de spécial aux uns et aux autres, sans s'aider des moyens ordinaires, et surtout la réformation qu'il fait en ses élus, les renouvelant par son esprit. ? Mais cette astrologie bâtarde ne se contentant point d'avoir disposé de la complexion des moeurs et des hommes, étend sa judicature plus avant, qui est en devinant ce qui leur doit advenir advenir leur vie, et quand et comment ils doivent mourir. En quoi il n'y a que pure témérité, et pas un seul grain de raison. Car tout au plus les astres pourront imprimer quelques qualilités qualilités personnes, et non pas faire que ceci ou cela leur advienne advienne après d'ailleurs. Et par ainsi, encore qu'un généthliaque généthliaque juger un homme être industrieux et vigilant pour acquérir des biens, si ne peut-il deviner qu'il lui écherra quelque succession, pource que cela gît en la volonté ou condition d'autres d'autres de lui. Voilà pourquoi il a été dit de longtemps que ces mathématiciens masqués étoient bons pour vider les bourses et remplir les oreilles, d'autant qu'en disant la bonne fortune, ils paissent de vent les curieux et tirent d'eux tout ce qu'ils veulent veulent qu'une fois ils les ont ensorcelés. Ils diront donc à un homme combien il aura de femmes. Oui ; mais trouvent-ils en son astre la nativité de sa première femme, pour savoir combien elle vivra ? Par ce moyen les femmes n'auroient plus de nativité propre, pource qu'elles seroient sujettes au regard de la nativité des hommes. En somme, par cela l'horoscope de chacun homme particulier comprendroit le jugement de toute la disposition disposition pays, vu qu'ils se vantent de pouvoir juger si un homme sera heureux en mariage, s'il aura bonne, ou mauvaise rencontre par les champs, en quels dangers il pourra tomber, s'il sera occis ou s'il mourra de maladie. Regardons maintenant avec combien de gens nous trafiquons en vivant. Si les mathématiciens mathématiciens leurs volontés et leurs fortunes en la manche , qu'est-ce qu'ils nous en peuvent promettre? Par quoi ce que j'ai dit est vrai, qu'ils ne sauroiènt juger d'un homme comme ils en font profession, que sa nativité ne leur fût un miroir pour contempler tous ceux avec lesquels il conversera. Qu'on juge 116 OEUVRES FRANÇOISES par raison si cela se peut faire, et s'il y a quelque vérisimilitude. Je conclus donc que tous ceux qui entreprennent de connoître les événements d'un homme par sa nativité' sont trompeurs, d'autant que les causes viennent d'autre part. Je serois trop long à déduire tous les exemples qui s'en peuvent amener, mais un seul nous suffira. 11 est souventes fois demeuré en une bataille bataille un soixante mille hommes. Je ne parle point des plus grandes déconfitures , ains de Ce qui a été assez fréquent. Je demande s'il faudra assigner à tous ceux que la mort accouple ainsi un même horoscope. Quand ils diroient qu'une chose bien rare ne doit déroger à la doctrine commune d'un art, ce seroit déjà un subterfuge à rejeter. Je leur parle d'une chose commune. Les histoires récitent qu'en une vingtaine de batailles est mort en Espagne jusqu'à trois cent mille hommes. Sans enquérir plus avant, qui est-ce qui ne jugera aisément que ceux qui sont morts par compagnie étoient bien séparés en nativité quant au regard des astres? Ainsi en telle multitude, Capricorne et le Mouton et le Taureau s'entre heurtent tellement des cornes, que tout y est confus ; Aquarius jette son eau en telle abondance que c'est un déluge , la Vierge est dépucelée, l'Écrevisse va au rebours , le Lion donne de la queue par derrière sans qu'on s'en soit aperçu, les Gémeaux se mêlent en sorte que c'est tout un,'l'Archer tiré en trahison, la Balance est fausse, les Poissons se cachent sous l'eau, si qu'on n'y voit plus goutté. Qui plus est, ils ne se contentent point d'avoir tant élargi leurs ailes eu la nativité d'un homme, mais ils usurpent aussi le jugement jugement plutôt la divination de toutes entreprises par le regard présent des astres. Comme quoi si quelqu'un a affaire cent lieues loin d'où il est, monsieur l'astrologue épiera le ciel pour savoir quand il sera lion ; que ce pauvre fou parte pour trouver au bout de quinze jours ses gens bien disposés, quand les astres qui lui promettent bonne adresse seront hors de leur règne. Je vous prie, si les astres avoient quelque vertu pour conduire les entreprises des hommes, ne se faudroit-il point arrêter à ceux qui sont en règne à l'heure que la chose se fait? Quelle folie estce estce dire, si je dois acheter de la marchandise d'un homme qui est outre-mer, que l'astre qui règne à mon parlement m'y donne DE CALVIN. 117 bonne adresse, et que ceux qui dominent quand ce vient à joindre, joindre, puissent rien ! Il me souvient du conte que l'on fait du cardinal Farnèse, lequel fut contraint de laisser son dîner pour monter bientôt à cheval, afin d'avoir bonheur en son ambassade : et s'il fût parti deux heures plus tard, ayant dîné à son aise, et qu'il fût arrivé au soir au même logis, en quoi cela l'eût-il avancé ou reculé? Qui est-ce qui ne voit que le principal est de connoître connoître situation des astres quand ce vient à faire la dépêche? Je dis quand il seroit question d'y ajouter foi. Mais il est facile de voir que le tout n'est qu'abus. J'ai ouï parler de quelques fantastiques qui sont en état, lesquels n'osent monter sur leurs mules devant qu'avoir pris congé aux astres. Je prends le cas que ce fût un conseiller d'une cour souveraine. Il y a une heure établie pour s'assembler. En voilà une vingtaine qui sont tous sujets à une même règle. Leurs astres cependant seront différents. différents. loi les appelle tous ensemble; que sera-t-il de faire? Si on se gouverne par astrologie, tant s'en faut que jamais procès fût vidé, que trois juges ne se pourroient trouver ensemble pour ouïr un plaidoyer. 11 faudra donc ou qu'on remue les astres pour les faire autrement accorder, ou que toute police soit abattue. Or, nous savons que Dieu approuve cet ordre, qu'il y ait heures certaines pour tenir la justice, pour ouïr sa parole, recevoir ses sacrements, sans regarder la position du ciel. Si en s'amusant aux étoiles on délaisse l'ordre de Dieu et que chacun se retire à part sans s'accommoder à la communauté du genre humain, Dieu ne sera-t-il point contraire à soi-même? Où sera cette sagesse infinie par laquelle il a ordonné si bien toutes choses comme par compas, si on ne lui peut obéir en un endroit qu'on ne contrevienne contrevienne l'ordre qu'il a mis en nature? Ce seroit à telles manières de gens qu'on pourroit appliquer la risée qu'ouït un ancien philosophe philosophe sa chambrière, lequel étant trop ententif aux étoiles, et n'ayant point loisir de regarder à ses pieds, fit un faux pas et tomba dedans une fosse. Alors elle lui dit : " qu'il n'est rien si bon que de penser à ce qui nous est le plus prochain. Je ne voudrois voudrois tourner cette moquerie contre les vrais astrologues, desquels on ne peut trop louer le labeur qu'ils ont pris à nous faire connoitre les secrets du ciel, en tant qu'il étoit bon pour 118 OEUVRES FRANCOISES glorifier Dieu et nous en servir à nôtre usage. Mais quant à ces fous spéculatifs qui se promènent par-déssùs les nues , et cependant cependant considèrent point à quoi Dieu les appelle, n'ont nul égard à leur office, se détournent du chemin que Dieu leur montre, oublient le devoir qu'ils ont à leur prochain ; n'est-ce pas raison qu'on se moque de leur vanité, et que Dieu aussi les mette en opprobre, les faisant non-seulement chopper, mais en la fin se rompre le cou du tout? Après que messieurs les généthliaques ont assujetti un chacun de nous à leur juridiction astronomique, ils usurpent une même puissance sur l'état universel du monde. Or, je confesse bien, suivant ce que j'ai ci-dessus traité, qu'en tant que les corps terrestres terrestres convenance avec le ciel, on peut bien noter quelque chose aux astres des choses qui adviennent ici-bas. Car tout ainsi que l'influence du ciel cause souvent les tempêtes, tourbillons tourbillons temps divers, item les pluies continuelles ; ainsi par conséquent elle amène bien la stérilité et les pestilences. En tant donc qu'on verra un ordre et comme une liaison du haut avec le bas, je ne contredis pas qu'on ne cherche aux créatures célestes l'origine des accidents qu'on voit au monde. J'entends l'origine, non pas première et principale, ains comme moyen inférieur à la volonté de Dieu, et même dont il se sert comme de préparation préparation accomplir son oeuvre ainsi qu'il l'a délibéré en son conseil conseil Tant y a qu'il ne nous faut pas du tout nier qu'il n'y ait quelque correspondance aucunes fois entre une peste que nous verrons ici et la constellation qui se connoît au ciel par l'astrologie. l'astrologie. il s'en faut beaucoup que cela soit général; car quand l'élection fut laissée à David laquelle il voudrait choisir des trois verges de Dieu, et qu'il eut choisi la peste, nous ne dirons dirons que cela procédât des astres. Pareillement, quand la famine fut si grande en Syrie et en Israël du temps d'Élie, et que la sécheresse y fut si longue, ce seroit grande folie de chercher chercher les astres y étoient disposés, vu que c'étoit un miracle extraordinaire. Et ne faut prendre cet exemple comme bien rare entre les autres, attendu que Dieu parle généralement en Moïse, en disant que toutes les adversités qu'ont les hommes sont cachées cachées ses trésors ; en quoi il signifie qu'il les met en avant DE CALVIN. 119 par son juste, jugement pour punir les péchés des hommes, et que si les hommes, par leur malice, ne provoquoient son ire, qu'il les tiendroit encloses comme en un coffre. Et de fait, il n'y a guère de plus commune doctrine par tous les prophètes que cette-ci, c'est qu'il nous rendra le ciel et la terre comme d'airain. Puisqu'il Puisqu'il assigne la cause à nos péchés, toute constellation est exclue. Quant aux guerres, il y a encore moins de propos de chercher chercher raison aux étoiles pourquoi elles adviennent, vu que ce sont aussi fléaux de Dieu pour châtier les iniquités , qui n'ont nulle dépendance de là. Noire-Seigneur faisant la promesse à Abraham de donner la terre de Chanaan à sa lignée, dit : « Que le terme n'est pas encore venu. » Il n'allègue point que le regard des.astres-ne le porte pas. Quoi donc? que l'iniquité des Arnorrhéens Arnorrhéens pas encore venue au comble. Par quoi, tout ainsi qu'on cueille le fruit d'un arbre quand il est mûr, ainsi nos péchés mûrissent les punitions de Dieu. Regardons maintenant si l'impiété l'impiété hommes et leurs transgressions proviennent des astres. Il y a bien eu jadis quelques fantastiques qui l'ont imaginé, mais cette rêverie a aussi'été à bon droit rejelée de tout le monde, et même tenue pour une invention diabolique, laquelle tous chrétiens chrétiens détester; comme de fait elle ne peut être reçue que toute l'Écriture sainte ne soit renversée, que Dieu ne soit blasphémé, blasphémé, qu'on ne lâche aux hommes la bride de malfaire. Ainsi je prends cet article pour tout conclu, que le mépris de Dieu et les dissolutions qui se font en quelque pays que ce sôit, n'ont nul regard aux étoiles. Puis qu'ainsi est, il ne faut point aussi attribuer aux. étoiles les vengeances de Dieu qui surviennent surviennent telles causes. Si on réplique que Dieu se pourra bien servir des moyens naturels pour châtier les hommes, je ne le nie pas. Mais est-ce à dire que cela se fasse par un ordre continuel, continuel, que les astres y seront préparés ? Tout au contraire, quand Dieu veut sécher la mer Rouge et le Jourdain, combien qu'il se veuille servir du vent qui étoit propre à cela, néanmoins il n'est pas dit que. ce vent-là soit ému par quelques constellations, constellations, que Dieu l'a élevé sur-le-champ. Combien que j'accorde j'accorde que, lorsque bon lui semble, il applique bien la nature et propriété des étoiles à son service. Seulement je 120 OEUVRES FRANÇOISES veux dire que ni les famines, ni les pestes, ni les guerres n'adviennent n'adviennent pource que les astres y sont disposés, si ce n'est selon que Dieu veut déclarer son ire sur la malice des hommes ; au contraire, que l'abondance des biens, la santé, et la paix ne procèdent non plus de l'influence des astres, mais de la bénédiction bénédiction Dieu, soit qu'il nous veuille convier et exhorter à la repentance par une telle douceur, soit qu'il nous veuille faire sentir son amour en l'obéissance de sa justice. Conclusion, jusqu'à jusqu'à que nos astrologues fardés aient montré que ce sont les étoiles qui nous font servir à Dieu ou nous incitent à lui être rebelles rebelles je conclus qu'elles ne sont point cause ni du bien ni du mal que nous avons, car chacun voit que l'un s'ensuit de l'autre. l'autre. je voulois amasser tous les exemples qui conviennent à cet argument, ce seroit chose infinie. Toutefois, il n'y a celui qui ne les puisse noter de soi-même. Par quoi, apprenons de nous arrêter arrêter promesses et menaces de Dieu, lesquelles ne tenant rien de la situation des étoiles, nous enseignent qu'il ne nous y faut point amuser. Voilà pourquoi Dieu, par son prophète Isaïe, se moque des Égyptiens et des Chaldéens, qui ont été deux peuples les plus experts en cet art qui furent jamais au monde, leur reprochant que par toute leur science ils n'ont pu prévoir la désolation qui leur étoit prochaine, pource qu'elle ne provenoit point du cours naturel des étoiles, ains de son jugement occulte. On ne peut pas répliquer qu'il taxe les personnes qui se vantoient à fausses enseignes de savoir l'astrologie. Il s'adresse notamment à l'art, déclarant que ce n'est que vanité. Parlant au royaume d'Egypte, il dit: « Où sont maintenant tes sages? qu'ils t'annoncent et qu'ils sachent ce que Dieu a décrété sur toi. » S'il y avoit nulle part science d'astrologie, elle étoit là. Le prophète dépite tous ceux qui s'en mêlent, disant que ce n'est point à eux de savoir les événements, comme ils en font profession. Il y a encore des mots plus exprès quand il parle à Babylone : a Tu t'es, dit-il, tourmentée en la multitude de tes conseils. Maintenant, que tés astrologues viennent en avant, qu'ils contemplent les cieux et épluchent les étoiles, pour voir s'ils jugeront de ce qui te doit advenir. Voici, ils seront comme paille, et le feules consumera. Les Chaldéensqui ont été deux peuples les plus experts en cet art qui furent jamais au monde, leur reprochant que par toute leur science ils n'ont pu prévoir la désolation qui leur étoit prochaine, pource qu'elle ne provenoit point du cours naturel des étoiles, ains de son jugement occulte. On ne peut pas répliquer qu'il taxe les personnes qui se vantoient à fausses enseignes de savoir l'astrologie. Il s'adresse notamment à l'art, déclarant que ce n'est que vanité. Parlant au royaume d'Egypte, il dit: « Où sont maintenant tes sages? qu'ils t'annoncent et qu'ils sachent ce que Dieu a décrété sur toi. » S'il y avoit nulle part science d'astrologie, elle étoit là. Le prophète dépite tous ceux qui s'en mêlent, disant que ce n'est point à eux de savoir les événements, comme ils en font profession. Il y a encore des mots plus exprès quand il parle à Babylone : a Tu t'es, dit-il, tourmentée en la multitude de tes conseils. Maintenant, que tés astrologues viennent en avant, qu'ils contemplent les cieux et épluchent les étoiles, pour voir s'ils jugeront de ce qui te doit advenir. Voici, ils seront comme paille, et le feules consumera. Les Chaldéens DE CALVIN. 121 ont été les plus renommés en astrologie qui furent jamais, tellement tellement tous ceux qui se sont fourrés en cette curiosité ont emprunte leur nom d'iceux. Or, nous voyons comment Dieu les condamne et réprouve, et notamment prononce qu'on ne peut pas lire aux étoiles les mutations et ruines des principautés principautés et qu'il punira l'outrecuidance de ceux qui se sont ingérés de ce faire. Voilà aussi pourquoi il dit par le même prophète qu'il dissipe les signes des devins et tourne les magiciens magiciens fureur, qu'il détourne les sages au rebours et assotit leur science. Il ne reprend pas la témérité de ceux qui sont mal fondés en l'art, mais il renverse leurs principes et maximes, maximes, savoir, cette considération des étoiles, dont il parle en d'autres lieux. Par quoi Daniel, voulant exposer au roi Nabucàdnezer Nabucàdnezer songe auquel tous les astrologues et devins dé Chaldée n'avoient n'avoient mordre, il ne se fait point plus savant qu'eux en l'art, ni plus subtil, mais il met comme deux choses opposites leur science et la révélation de Dieu. Les astrologues, dit-il, et devins devins t'ont pu déclarer le secret, car c'est Dieu qui est au Ciel, auquel il appartient de révéler les choses sécrètes. Bref, nous voyons que toute cette partie d'astrologie qui sert à divination, qu'on appelle judiciaire, non-seulement est tenue de Dieu pour vaine et inutile, mais est condamnée comme dérogeant à son honneur honneur entreprenant sûr sa majesté. Pourtant, si nous voulons être de son peuple, écoutons ce qu'il nous dit en son prophète Jérémie, que nous ne soyons pas semblables aux païens, craignant les signes du ciel. Je sais bien le subterfuge qu'amènent aucuns, qu'il ne faut pas craindre les astres comme s'ils avoieut domination sur nous, et toutefois qu'ils ne laissent point d'y avoir quelque supériorité supériorité sous la rnain et conduite de Dieu. Mais il n'y a nul doute que le prophète ne nous veuille ramener à la providence providence Dieu , et, pour ce faire, nous détourner de la vaine sollicitude en laquelle se tourmentent les païens, attendu qu'il parloit au peuple d'Israël, lequel étoit tenté de s'adonner à telles folies, à l'exemple des Chaldéens et Égyptiens. Qu'on de-' mande à nos généthliaques d'aujourd'hui, de quelle source est venu leur art, ils ne peuvent nier que Bâbylone n'en ait été là 11 122 OEUVRES FRANÇOISES fontaine, et que ce qu'ils en tiennent sont comme petits ruisseaux ruisseaux de là. Puis donc que Dieu a une fois défendu à son peuple d'être semblable aux prédécesseurs et maîtres de ceux-ci, ferons-nous bien de leur ajouter foi, quand il n'y aurait aurait mal que celui-là, qu'en attribuant aux étoiles et à leur influence la cause de nos afflictions et prospérités, nous mettons comme des nuées devant nos yeux pour nous éloigner éloigner la providence de Dieu?Déjà nous voyons que c'est une chose trop pernicieuse. Il y a puis après que les hommes vagant entre les étoiles, n'entrent plus en leur conscience pour examiner leur vie, connoissant qu'ils portent en eux la matière de tous maux, et que leurs péchés sont le bois pour allumer l'ire de Dieu dont proviennent les guerres, les famines, les mortalités, les grêles, les gelées et toutes choses semblables. Pareillement, ceux qui attendent bonheur par la prédiction des astres, se reposant làdessus, làdessus, leur confiance de Dieu, et deviennent nonchalants nonchalants la requérir, comme s'ils avoient déjà gagné ce qu'ils prétendent. Je n'ignore pas la réplique qu'ils ont pour caviller cela. Ils allèguent un dicton de Ptolomée, que les significations des astres ne sont point comme arrêts d'un parlement qui aient leur exécution prête, pource que Dieu est par-dessus. Mais quand tout est dit, ce n'est qu'une échappatoire ; car puisque tous les maux dont les étoiles nous menacent procèdent du cours de nature, il ne peut se faire que nous ne concevions une fantaisie fantaisie nos péchés donc n'en sont point cause. Je laisse à part l'absurdité et contradiction qui est en leur dire, à savoir que l'ordre que Dieu aura mis pour être perpétuel sera changé par causes survenantes, comme si Dieu se contredisoit à soi-même. Il me suffit que nous ayons l'intention du prophète, qui est d'opposer, ainsi que choses contraires, le regard qu'ont les païens aux astres, pour imaginer que leur condition et tout l'état de leur vie dépend de là, et la connoissance en laquelle se doivent reposer les fidèles, qu'ils sont en la main de Dieu, et qu'ils seront bénis de lui, le servant en bonne conscience, et que tous les maux qu'ils endurent sont autant de châtiments pour leurs péchés. Il semble bien à nos généthliaques qu'ils ont une solution ap- DE CALVIN. 123 parente, en disant que le prophète nomme les étoiles signes ; car de là ils concluent que leur office est de signifier. Et pour confirmation ils allèguent ce qui est dit au premier de Genèse, que Dieu les a créées à cette fin. Puisqu'ils font si grand sivé de ce mot de signes, que répondront-ils à ce qui est dit en lsaïe, que Dieu renverse les signes des devins? Il est bien certain qu'il parle là des astrologues. Ainsi, quand je leur confesserai qu'ils peuvent bien avoir des signes, mais que Dieu les renverse, qu'auront-ils qu'auront-ils ? Au reste, c'est une cavillation trop impudente de dire que Jérémie confesse obliquement qu'il y ait signification aux astres quand il les nomme signes. C'est une façon de parler assez commune, en reprenant les abus, d'user des mots accoutumés accoutumés ceux qu'on veut rédarguer. L'Écriture appelle souvent les idoles dieux des païens. Si quelqu'un, sous ombre de ce nom, voûloit prouver que les idoles sont dieux, qui est-ce qui ne se moquerait de sa sottise ? Le prophète, en somme, admoneste le peuple de ne se point troubler ni fâcher de cette opinion des païens, que les étoiles signifient ceci ou cela ; comme aujourd'hui aujourd'hui ne pouvons reprendre cette erreur, sinon en disant qu'il ne se faut point amuser à telles significations. Quant au texte de Moïse, ils le déchirent en le voulant étendre jusqu'à leur folle fantaisie. Dieu a ordonné les étoiles pour être en signes. Mais il faut noter de quoi. Or tout homme de sain jugement entend entend que Moïse a voulu toucher ce que j'ai déclairé ci-dessus ci-dessus l'usagé de la vraie astrologie. Si les étoiles nous sont en signes pour nous montrer la saison de semer ou planter, de saigner saigner donner médecine , couper le bois, ce n'est pas à dire pourtant qu'elles nous soient signes pour savoir si nous devons vêtir une robe neuve, trafiquer en marchandise le lundi plutôt que le mardi, et choses semblables, qui n'ont nulle correspondance correspondance les astres. Tout ainsi donc que nous confessons les signes naturels, aussi nous détestons la sorcellerie, que le diable a inventée par les devins. Par quoi c'est une calomnie trop impudente qu'ils nous imposent, imposent, faire accroire que nous détruisons l'ordre que Dieu a établi, en ôtant aux astres la propriété de signifier, et même que nous condamnons une science tant belle et tant utile. 124 OEUVRES FRANÇOISES Toute cette couverture leur est ôtée en un mot, quand on distingue distingue l'astrologie naturelle et cette bâtarde qu'ont forgée les magiciens. Je sais que de savoir le cours des astres, leur vertu et ce qui est de semblable, non-seulement.apporte grande utilité utilité hommes, mais incite à magnifier Dieu en cette sagesse admirable qui se montre là. Car combien que les plus ignorants et idiots ne puissent lever les yeux au ciel sans avoir ample matière matière glorifier Dieu, toutefois ceux qui ont étudié pour comprendre comprendre secrets de nature, qui ne sont point connus de tous, doivent être beaucoup plus incités à en faire leur devoir. Mais c'est autre chose du droit usage et modéré, que de l'abus et excès. excès. quelqu'un, en louant le vin, vouloit approuver l'ivrognerie, l'ivrognerie, le monde lie s'élèveroit-il pas contre lui, pource qu'il seroit un méchant corrupteur des oeuvres de Dieu? Autant en font ceux qui empruntent ou plutôt dérobent le titre d'une bonne science et approuvée, pour colorer des rêveries toutes contraires à la vérité de la science qu'ils prétendent. Et de fait, j'ai du commencement prévenu leur cautelle en protestant que non-seulement je ne veux rejeter l'art qui est tiré de l'ordre de nature, mais que je le prise et loue comme un don singulier de Dieu. Suivant cela, quand les généthliaques voudront faire ?valoir leurs coquilles sous couleur que c'est une chose sainte et bonne que la considération des oeuvres de Dieu, que chacun soit averti de les amener au point,-et ne se point laisser mener à travers champs par leurs ambages. Ils en font tout ainsi que les alcumistes qui s'insinuent par longues préfaces de la tempérance tempérance éléments et de la convenance qu'ils ont entre eux, et choses semblables, qui sont vraies et fondées.en raison. Mais après avoir bien tourné à l'èntour du pot, ils font en la fin leur pipée, pipée, puis c'est tout. Bref, puisque les cieux nous doivent raconter raconter louange de Dieu, et le firmament nous doit être un miroir miroir sa vertu et sagesse infinie, apprenons, pour en bien faire nôtre profit, de ne point extra vaguer en des imaginations qui nous éloignent de lui. Mais nos mathématiciens répliquent que Joseph, Moïse et Daniel Daniel été enseignés en l'école des Égyptiens et Chaldéens, et que cela est récité d'eux en leur louange, et non pas comme vicieux DE CALVIN. 125 ou mauvais. Je réponds, quant à Joseph, qu'il fait bien le semblant d'être devin, mais que ce n'est que féintise, comme chacun voit, pour le temps qu'il se veut déguiser à ses frères. Au reste, quand il prédit la famine d'Egypte, en trouve-t-il la conjecture aux astres ? Tout au contraire, il le tient de révélation miraculeuse. Voilà les Égyptiens qui ont sondé jusqu'au plus profond du ciel pour savoir deviner tout ce qui est signifié par les astres. Néanmoins, Néanmoins, ne connoissent rien de cette famine, et en eussent été surpris devant que d'y avoir pensé. Dieu en avertit Pharaon par songe, Joseph lui en déclare ce qui lui est révélé de Dieu. En tout cela, y a-t-il rien qui favorise à ceux qui en font un bouclier? bouclier? est de Moïse, il est bien dit qu'il étoit instruit en toute la sagesse des Égyptiens; mais cela s'entend-il des superstitions superstitions Or, entre les pires superstitions qu'ils eussent, je mets cette curiosité de vouloir deviner par les astres. Pour ôter tout doute, qu'on regarde si Moïse s'est jamais aidé de cette science en toutes ses entreprises. Quand il dut retirer le peuple de captivité, à savoir s'il prit les astres pour sa conduite? Pareillement, Pareillement, il passa la mer Rouge? Finalement, en tout ce que Dieu a fait par sa main, s'est-il jamais guidé par cette science? Il s'est toujours réglé selon la bouche de Dieu, regardant regardant promesse pour le temps de la rédemption, et n'attentant rien, sinon suivant ce qui lui étoit révélé. Daniel a bien été instruit instruit l'art des Chaldéens. Mais nous ne voyons point qu'il ait appété de savoir plus que l'astrologie naturelle; et, sans en tenir tenir long propos, il n'y a nul doute que Dieu, en parlant tant de fois des devins, n'ait voulu expressément condamner la superstition tant d'Egypte que de Chaldée, dont le peuple d'Israël d'Israël être corrompu. Ainsi, quand les généthliaques, pour honorer leur science, mettent en avant cette ancienneté,, voici tout ce qu'ils gagnent, qu'on sait que c'est une curiosité que Dieu réprouve, et laquelle il a étroitement défendue à son Église. Tant y a qu'ils font grande injure aux saints patriarches, lesquels ils veulent, à fausses enseignes, tirer en leur bandé. Ils s'aident aussi de la sentence de notre Seigneur Jésus, disant disant y aura des signes au ciel pour annoncer le jour de sa venue dernière; mais ils en parlent comme clercs d'armes. 11. 126 OEUVRES FRANÇOISES Vrai est qu'il leur est à pardonner, vu que ce n'est pas leur gibier que de la sainte Écriture. Oui bien, s'ils s'abstenoient de ia polluer, en la dépravant ainsi qu'ils font. Or, tant s'en faut que ce passage leur favorise, que nous le pouvons retourner contre eux. Car notre Seigneur Jésus ne parle point là de quelque quelque procédant du cours de la nature, mais plutôt d'une chose extraordinaire qui n'a rien de semblable ni de commun commun Et même les prophètes, voulant exprimer combien l'ire de Dieu sera épouvantable,, usent de telles façons de parler, que le soleil sera obscurci, et la lune ne rendra plus sa clarté. Il est certain que cela n'est pas advenu à l'oeil toutes fois et qualités que Dieu a puni son Église. Si est-ce qu'en ce dernier jour, lequel nous doit amener la perfection de toutes choses, il y aura signes visibles, tant pour avertir les fidèles, que pour rendre les incrédules plus inexcusables. Quoi qu'il en soit,ce point nous doit être comme vidé, que les signes dont il est là fait mention ne se peuvent comprendre par le cours ni regard des étoiles, vu que Dieu les doit envoyer propres et particuliers pour cela ; et outre plus qu'ils emporteront changement de cet ordre commun sur lequel les généthliaques font semblant d'être fondés. Aulant en faut-il dire de l'étoile qui apparut aux philosophes philosophes vinrent des quartiers d'Orient, et c'est une grande moquerie d'attribuer à l'ordre de nature ce que l'Écriture récite pour miraculeux. Diront-ils que, selon leur science, uae étoile se lève tirant son chemin vers Judée, puis droit en Jérusalem; que là elle s'évanouisse , que tantôt après elle se montre derechef, derechef, tende en Bethléem et qu'elle s'arrête sur une maison maison la marquer? qui plus est, qu'elle chemine par corn; pas, selon que les hommes qu'elle guide peuvent marcher ? Quand ils auront bien épluché les cieux, ils n'y trouveront que les étoiles fichées au firmament ou lés planètes. Il faut bien donc que ceci soit par-dessus nature, et par conséquent par-dessus l'art d'astrologie. Maintenant, quel propos y a-t-il de tirer un privilège privilège à une loi générale? Qui est-ce qui ne verra leur impudence pour s'en moquer, quand ils arguent en cette-façon ? Dieu a dressé une étoile par miracle pour.conduire les philosophes philosophes dévoient adorer son Fils, et lui a donné un cours propre DE CALVIN. 127 pour leur voyage, qui n'étôit conforme ni au mouvement uni. uni. du ciel ni à celui des planètes. Il s'ensuit donc que les astres déclarent quelle sera la condition et fortune de chacun de nous et que par leur influence toute notre vie est gouvernée. Il ne faut point grande subtilité pour rédarguer une telle bêtise; et quand il n'y aurait que cela, on voit combien les fondements sur lesquels ils s'appuient sont fermes. Mais encore afin que chacun chacun mieux, l'impiété qui est ici .cachée comme le venin en la queue d'un serpent, il est bon qu'on soit averti qu'ils ne font nul scrupule d'assujettir toute la chrétienté aux, étoiles, autant que les corps humains. Car ils entreprennent de rendre raison pourquoi Mahomet avec son Alcoran a plus grande vogue que Jésus-Christ avec son Évangile, d'autant qu'il y a regard des astres plus bénin pour l'un que pour l'autre. Quelle abomination abomination cela! L'Évangile est le sceptre de Dieu par lequel il règne sur nous, c'est la vertu de son bras, qu'il déploie , comme, dit saint Paul; en salut à tous croyants ; c'est sa vérité immuable, sous laquelle tous les anges de paradis se doivent humilier. Le Saint-Esprit est celui qui la fait profiter en lui donnant vigueur^ et lui donne victoire par-dessus toute contradiction et des diables diables du monde. Ces fantastiques disent que quelque bout d'un signe du zodiaque le met en crédit. Au contraire, la secte de Mahomet, comme l'Écriture nous enseigne, est une juste vengeance de Dieu pour punir l'ingratitude du monde; et ils veulent faire accroire qu'elle est avancée par la disposition des étoiles. Bref, on peut voir que tous ceux qui maintiennent telles rêveries ne savent que c'est de Dieu, ni de religion, non plus que bêtes. Pour faire leur profit de tout, comme font gens affamés, ils nous objectent les éclipses et comètes, et disent que s'ils emportent- emportent- signification, on en peut bien autant juger de tous les astres. Je réponds, quant aux éclipses, que si elles sont naturelles naturelles elles n'emportent nulle signification, si ce n'est de ce qu'elles peuvent engendrer comme pluie, ou-vent, ou tourbillon, ou telles choses, .suivant ce que nous en avons devisé ci-dessus. Mais qu'on puisse par icelles deviner de ce qui doit advenir aux royaumes et principautés, ou aux hommes particuliers, c'est à 128 OEUVRES FRANÇOISES faire aux idiots de le penser. Même nous lisons qu'il a fallu quelquefois quelquefois homme savant en astrologie annonçât à l'armée romaine l'éclipsé de lune qui se devoit faire, à ce que les soldats, qui étoient gens ignorants quant à cela, n'en fussent point troublés comme de quelque mauvais présage. Nous voyons donc que la vraie astrologie ôte la superstition que ces rêveurs veulent remettre remettre Quant aux éclipses miraculeuses, comme celle qui advint à la mort de notre Seigneur Jésus, je ne nie point qu'il n'y ait signification; mais tant s'en faut que cela serve à nos devins, devins, plutôt c'est pour leur rabaisser le caquet. Que s'il faut qu'il y ait miracle, extraordinaire pour signifier, comment trouveront-ils trouveront-ils propriété et vertu en l'ordre commun ? Il en est quasi autant des comètes, combien que non pas du tout. Tant y a que ce sont inflammations qui se procréent, non point à terme préfix, ains selon qu'il plaît à Dieu. En cela déjà on voit combien combien comètes diffèrent des étoiles, vu qu'elles se procréent de causes survenantes. Et néanmoins je n'accorde pas que leurs prédictions soient certaines, comme aussi l'expérience le montre. Car si une comète est apparue, et que tantôt après un prince meure, on dira qu'elle l'est venue ajourner. S'il ne s'ensuit nulle mort notable, on la laisse passer sans mot dire. Cependant Cependant ne nie pas, lorsque Dieu veut étendre sa main pour faire quelque jugement digne de mémoire au monde, qu'il ne nous avertisse quelquefois par les comètes ; mais cela ne sert de rien pour attacher les hommes et leur condition à une influence perpétuelle perpétuelle ciel. Il reste maintenant de répondre aux exemples qu'ils nous allèguent allèguent car il semble bien qu'il y ail une pleine approbation de leur art. Entre les autres, il y en a un qui étonne tous ceux qui le lisent : c'est du mathématicien nommé Asclétarion, qui prédit que Domitien l'empereur devoit être tué. Or, Domitien étant fâché fâché lui, l'appela et lui dit, puisqu'il se mêloit de deviner ainsi des autres, qu'il devinât aussi de soi-même. Il répondit que l'heure de sa mort étoit prochaine, et que son corps seroit déchiré déchiré chiens. Domitien le fait tuer, commande qu'on le brûle pour ensevelir ses cendres, selon la coutume. Mais voici un orage soudain qui éteint le feu, et des chiens se ruent sur le corps DE CALVIN, 129 . pour le manger.. Quelque temps après, Domitien fut tué, Ce qu'on récite de Jules-César et de son mathématicien. Spurma n'est pas. du tout si merveilleux; toutefois il en approche. Car ledit mathématicien mathématicien César qu'il.se gardât du premier jour du mois de mars. Le jour étant venu, César lui dit : Voici le premier jour de mars. L'autre répondit : Il n'est pas encore passé ; et de fait, étant venu au sénat, fut là tué. Ainsi, nos généthliaques pensent bien, sans contredit^ avoir gagné leur cause pour montrer qu'il y a une vraie certitude en leur art. Or ,je leur demande si, le jour même que Jules-César naquit, et à l'heure, ils pensent qu'il n'y en eut point d'autre à Rome et en toute l'Italie. Il est bien vraisemblable qu'il y en avôit grande quantité qui étoient nés sous , un même horoscope. Autant en est-il de Domitien; Sont-ils tous morts pourtant au même jour, et leur mort a-t-elle été violente? Mais, au contraire, tout ainsi que l'horoscope ne les a pas faits tous empereurs, aussi il ne leur a point été cause d'une mort semblable. semblable. voit donc qu'il n'y a nulle raison ni vérité. S'il y en avoit, elle aurait lieu partout. En voilà trente qui ont une même nativité : l'un meurt à vingt ans, l'autre à cinquante; l'un, de fièvre ; l'autre, en guerre. Ainsi tous diversement. Devant que mourir , chacun a. sa façon de vivre et son état différent des au-, très ; à savoir si chacun a son étoile au ciel où on lise ce qui lui doit advenir. Car si la constellation pouvoit quelque chose, cela seroit égal en tous. Par une même raison, il est aisé de réfuter ce qu'ils allèguent d'Auguste ; lequel ayant ouï de Théogènes que sa nativité lui promettoit l'empire romain, en mémoire de cela forgea sa monnoie du signe de Capricorne, sous lequel il étoit. né. Qui est-ce qui doutera que sous le même signe ne fussent nés beaucoup de pauvres malotrus, dont l'un étoit demeuré: porcher, l'autre vacher, et chacun en tel empire? Si l'horoscope ou le regard regard astres eût donné l'empire romain à tous ceux qui étaient nés du même temps qu'Auguste, il lui en fût resté bien petite portion. Dont je conclus que toutes les divinations qui ont été faites n'ont pas été fondées en raison ni science, Ils répliqueront que néanmoins on en voit la vérité par l'issue. Je réponds que cela ne sert de rien pour approuver que ce soit un art licite. Or, nous sommes sur ce point-là.seulement^ que c'est une curiosité 130 OEUVRES FRANÇOISES mauvaise et réprouvée de Dieu, et non pas si les devins adressent quelquefois à dire vérité ou non. Vrai est que tout ce qui vient du diable n'est que mensonge. Mais Dieu permet bien que les trompeurs trompeurs quelquefois à dire vérité, quand il veut punir par ce moyen l'incrédulité des méchants. Prenons exemple dé tous les deux en la sorcière de laquelle parle Samuel. Ce qu'elle dit au roi Saùl est bien advenu. Dirons-nous pourtant qu'elle eût Une science fondée en raison pour prédire les choses cachées? Nenni. Dieu, par sa juste vengeance, a lâché pour ce coup la bride à Satan, Satan, que ce malheureux roi-là fût trompé comme il en étoit digne. Pareillement, il ne faut point juger de ce qu'elle dit vérité, qu'il soit licite aux enfants de Dieu d'user de tels moyens ; car ce n'est pas ainsi que Dieu veut que nous sachions ce qu'il nous est expédient de savoir, et de ceci nous en avons une règle générale au treizième chapitre du Deutéronorne, où il est dit que si quelque quelque prédit ceci ou cela, et qu'il advienne, et sous couleur couleur aura bien deviné, s'il nous veut mener à servir des dieux étrangers, nous n'y devons point adhérer, pource que Dieu veut éprouver s'il est aimé de nous ou non. Pesons bien ce mot; c'est que quelque couleur ou apparence de vérité qu'il y ait es choses qui sont contraires à Dieu, et qu'il réprouve par sa parole, parole, celui qui chemine en bonne conscience s'en pourra bien garder, et qu'il n'y a que les infidèles ou hypocrites qui soient trompés ; d'autant, comme dit saint Paul,, que c'est bien raison que ceux qui n'ont point voulu suivre la clarté cheminent en tér nèbres. Bref, je tiens autant de compte de toutes les vérités qu'ont jamais dites ces mathématiciens, que des faux miracles dont les magiciens de Pharaon ont combattu Moïse, et par lesquels Jésus-Christ a prédit que le monde sera déçu. Or, comme c'est un horrible labyrinthe et sans issue que des folies et superstitions desquelles les hommes s'enveloppent depuis depuis ont une fois lâché la bride à leur curiosité, beaucoup d'esprits volages, après s'être amusés à la divination des astres, se fourrent encore plus avant, à savoir en toutes espèces de divinations divinations car il n'y a nulle tromperie du diable où ils ne prennent goût depuis qu'ils ont été affriandés à une ; et pour faire trouver bonne leur diablerie, ils la couvrent du nom de Salomon, comme DE CALVIN. 131 s'il eût été un sorcier. L'Ecriture parle bien de l'intelligence qu'il â eue des profonds secrets de nature ; mais elle ne dit pas qu'il ait été devin; et, de fait, nous voyons la condamnation universelle universelle prononce si souvent Moïse sur tous ceux qui s'en mêlent, mêlent, au dix-huitième chapitre du Deuléronome, où il dit : " Qu'il ne se trouve point en toi devin qui devine, ni observateur des jours, ni ayant égard aux oiseaux, ni magicien, ni enchanteur qui enchante, ni homme consultant avec les esprits familiers, ni sorcier, ni conjurant les morts ; car tous ceux qui font ainsi sont en abomination à Dieu, et pour telles iniquités il a détruit les peuples qui ont habité en ce pays, " Qu'il nous souvienne souvienne de ce que j'ai touché ci-dêssus, que Dieu, regardant regardant Egyptiens, veut détourner son peuple de toutes leurs façons de faire. Par quoi il condamne toute l'astrologie judiciaire qui passe lés limites de vraie science en devinant ; et pareillement toute magie, en tant que ce mot emporte révélation des choses cachées, qui se fait par enchantement, ou en conjurant les esprits, ou par telle vanité. Et notons que Dieu ne s'est point contenté d'un seul mot ; mais voyant que les esprits des hommes sont si chatouilleux à extravaguer en vanités, pour mieux ôter tous subterfuges, subterfuges, toutes les espèces qui étoient connues pour ce temps-là, et même use d'aucuns noms qui étoient honorables, comme Chossem, qui se prend pour celui qui révèle, et quelquefois quelquefois aux prophètes qui prédisent ce qui est encore caché. Après, Hober, qui vient de conjoindre, et dit celui qui assemble assemble conjoint les conjonctions, signifiant sans doute les astrologues astrologues conjoignent les astres ensemble, de travers ou de biais, pour leur faire donner les oeillades l'un à l'autre. Item , lidoni, qui signifie sachant ou connoissant, comme nous voyons qu'ils prêchent leurs badinages, comme s'il n'y avoit nulle autre science au monde. Cependant nous voyons ce que Dieu en prononce, prononce, l'horrible menace qu'il en fait, laquelle doit bien faire dresser les cheveux en la tête à tous ceux qui le craignent. Or, si tout genre de divination est ainsi réprouvé, que sera-ce de ceux qui se mêlent de conjurer les esprits pour en quérir des choses secrètes? Car on voit que c'est une sorcellerie tout évidente. Tou-, tefois, il y en a de si effrontés, comme j'ai dit, qu'ils attribuent. 132 OEUVRES FRANCOISES leurs cercles et autres enchantements à Salomon, et même ils allèguent allèguent puisque les esprits sont ordonnés pour être ministres' aux.fidèles, qu'il n'y a point de mal de les conjurer pour nous en servir. Mais en quelle foi est-ce qu'ils attendent de s'en servir ainsi, vu que c'est contre la défense expresse de Dieu? Car tant s'en faut qu'il nous soit licite d'user de conjurations secrètes.pour faire parler les anges à nous, que c'est une superstition malheureuse de les invoqueren quelque manière que ce soit. D'autre part, qui est-ce qui leur a vendu ou loué les diables pour être leurs valets? valets? les enfants de Dieu les ont pour ennemis mortels, et les doivent fuir et repousser, au lieu de chercher nulle communication communication eux. Ceux donc qui s'en veulent servir connoîtront en la fin qu'ils se sont joués à leurs maîtres. Par quoi concluons, suivant ce qui est prononcé de Dieu, que.c'est Un sacrilège énorme et détestable que toute divination ; car pour condamner autant qu'il est possible la rébellion contre sa parole, il l'accompare l'accompare la divination et idolâtrie. Pourtant, ce n'est point sans juste raison que les lois civiles condamnent si fort les mathématiciens. Et ne faut point dire, que c'est pour l'abus des affronteurs, ou bien que le nom en a été odieux aux ignorants, sans savoir pourquoi ; car Dieu, comme juge de la police d'Israël, a fait une ordonnance encore plus sévère contre eux, c'est que tous fussent mis à mort avec leurs complices. Mais prenons le cas que ce fût chose permise des hommes : puisque nous voyons que Dieu la déteste tant, quelle folie est-ce de la vouloir conjoindre avec la chrétienté, comme si on vouloit accorder le feu avec l'eau ! Et c'est merveille- merveille- ceux d'Éphôse, qui avoient été adonnés à folles curiosités curiosités après avoir .cru en Jésus-Christ ont brûlé leurs livres, livres, saint Luc le récite'aux Actes ; et maintenant qu'il y en a de si pervers, qu'il semble que la connoissance de Jésus-Christ Jésus-Christ leur serve sinon pour aiguiser leur appétit a chercher toutes vanités frivoles. Cette diversité est par- trop grande,que: lés'uns, sitôt qu'ils ont goûté- que c'est dé l'Évangile, l'Évangile, aux divinations auxquelles ils s'étoient amusés toute leur vie; et les autres-, sous ombre d'avoir connu.la vérité vérité Dieu, soient incités de s'y-adonner, n'ayant jamais su DE CALVIN. . 133 que c'était ; que ceux dont parle saint Luc aient brûlé dés livres-jusqu'à livres-jusqu'à valeur-de cinq mille francs, et que ceux ici soient tellement enchantés d'une vaine imagination qu'ils ont conçue, qu'ils y consument toute leur substance. Même il faut noter que saint Luc ne dit point que ce fussent arts mêchants mêchants diaboliques; mais il les nomme perierga, qui signifie signifie frivoles ou inutiles. Non pas qu'à la vérité ce ne fussent choses méchantes ; mais afin de fermer la bouché à ceux qui ne demandent qu'à trouver des échappatoires, comme nous voyons que font nos mathématiciens; lesquels sont d'àutant d'àutant que leur père Simon magicien, que lui, voyant la vertu de Jésus-Christ, en. est si étonné, que' son art ne lui est rien au prix. Et combien qu'il soit si malheureux de vouloir acheter par argent là grâce du Saint Esprit, si èst--ce néanmoins néanmoins reconnoît que la vertu du Fils de Dieu obscurcit toute la science qu'il avoit pensé avoir. Ceux-ci, ayant' été illuminés illuminés Dieu pour connoîtré sa vérité, en détournent leurs yeux, et les jettent en ténèbres mortelles, et aiment mieux être éblouis; en: leurs.mensonges que dé jouir de là! clarté céleste, en laquelle nous avons vie et salut. Quel remède.donc pour obvier à tels inconvénients ? C'est que la sobriété que saint Paul nous recommandé; nous soit comme une bride pour nous tenir en la pure obéissance de Dieu : et, pour ce faire, que chacun advise bien de garder- ce trésor inestimable inestimable l'Évangile en. bonne- conscience; car il est certain que la craintede Dieu sera un bon rempart pour nous munir contre tous erreurs-. .Ainsi;- que nous ayons tous -cette' règle générale, de sanctifier nos corps .et nos. âmes à Dieu, et'le servir sans feintise. Après, que chacun regarde-à quoi il est appelé, pour s'appliquer à ce qui sera de son office. Que gens de lettres s'adonnent à études bonnes êt utiles, et non point à curiosités frivoles, qui ne servent.que. d'amuse-fous. Que grands et petits, savants et idiots, pensent.que nous ne sommes-point nés pour nous occuper à choses inutiles, mais que la fin de nos exercices doit être d'édifier et nous et les autres en la ? crainte de Dieu. De fait, quand on aura bien regardé de près, qui sont ceux qui nous amènent cette astrologie erratique, 12 134 OEUVRES FRANÇOISES DÉ CALVIN, sinon ou gens outrecuidés, ou des esprits extravagants, ou gens oisifs, qui ne savent à quoi prendre leur ébat, ou de quoi deviser? deviser? sont protonotaires damereaux, ou autres muguets et mignons de cour. Non pas qu'ils y soient savants ( si toutefois toutefois y pouvoit avoir science en folie et mensonge ), mais ce leur est assez de voltiger ou fleureter par-dessus ; et cependant ils enveloppent beaucoup de pauvres gens en leurs tromperies. Voilà pourquoi j'ai dit qu'il nous faut arrêter aux choses solides. Car quiconque, en premier lieu, s'adonnera à craindre Dieu, et étudiera à savoir quelle est sa volonté, s'exerçant surtout à la pratique'de ce que l'Écriture nous enseigne, puis secondement appliquera son esprit à ce qui est de sa vocation, ou pour le moins à choses bonnes et utiles, n'aura point le loisir de se transporter en l'air, pour voltiger entre les nues, sans toucher ni ciel ni terre. Je sais bien qu'ils ne faudront point à jouer du rebec et dire que l'un n'empêche point l'autre. Sur quoi je dis brièvement, que nulle bonne science n'est répugnante à la crainte de Dieu ni à la doctrine qu'il nous donne pour nous mener en la vie éternelle, moyennant que nous ne mettions point la charrue devant les boeufs, c'est-à-dire que nous ayons cette prudence de nous servir des arts tant libéraux que mécaniques en passant passant ce monde pour tendre toujours au royaume céleste. Mais il est question ici d'une curiosité non-seulement superflue superflue inutile, mais aussi mauvaise, et qui nous détourne tant de la fiance que nous devons avoir en Dieu, et de la considération considération veut que nous ayons de sa justice, miséricorde et jugement, que du devoir que nous avons envers nos prochains. prochains.