Le Comte de Gabalis

Ou Entretien sur les Sciences Secrètes

Abbé N. de Montfaucon de Villars

Le Comte de Gabalis
ou
Entretiens sur les sciences secrètes
par
Nicolas de Montfaucon de Villars (1635-1673).

Édition renouvellée et augmenté d'une lettre sur ce sujet.

Monographie imprimée en Français, à Cologne chez P. de la Tenaille, 1684.

Relation : Gallica.bnf.fr ; e-rara.ch

L'abbé de MONTFAUCON DE VILLARS, venu de Toulouse à Paris pour faire fortune par la prédication, est l'auteur de ce plaisant ouvrage. C'est le résultat des entretiens que cet abbé avait à la porte de Richelieu avec une cabale de gens de bel esprit et de belle humeur comme lui. Quand ce livre parut, on n'y fit pas grande attention; mais, à la fin, les conséquences en étant très dangereuses en un temps où ces sortes de curiosités commençaient à se mettre en crédit, on défendit la chaire à ce dévot prédicateur et son livre fut interdit. Peu après, le pauvre abbé fut égorgé par des scélérats, comme il se rendait à Lyon. Les rieurs dans une affaire si triste disaient que c'étaient des gnomes et des sylphes déguisés qui avaient fait le coup pour le punir d'avoir révélé les secrets de la cabale, ce qui est un crime qui ne se pardonne pas par Messieurs les esprits, comme l'abbé de Villars l'a reconnu lui-même dans son livre.

Ces quelques détails, assez agréablement contés par Vigneul-Marville, en 1700, un homme qui fut contemporain de l'abbé et qui avait pu le connaître personnellement. En effet, ce danger était indiqué dès les premières lignes du Comte de Gabalis : Le Comte de Gabalis est mort d'apoplexie. Messieurs les curieux ne manqueront pas de dire que ce genre de mort est ordinaire à ceux qui ménagent mal les secrets des Sages.

L'Abbé Montfaucon, parent du célèbre bénédictin de Montfaucon, est né en 1635 au manoir de Villars, situé à une dizaine de kilomètres de Rennes le Château (Haute-vallée de l'Aude). Il aurait embrassé l'état ecclésiastique et serait venu de Toulouse à Paris vers 1660, pour se livrer à la prédication. Rapidement, il se met à fréquenter les esprits forts de son temps, et aurait même conspiré contre Mazarin. Ses fréquentations le conduisent en détention pour un séjour de courte durée à la Bastille, à laquelle la mort de Mazarin met un terme.

Michaud fixe l'impression du Comte de Gabalis, œuvre maîtresse et premier ouvrage de l'abbé de Villars, en 1670, et sa réimpression en 1684, mais le manuscrit circule dès 1668.

Dialogue entre un cabaliste et un sceptique, y sont révélés un certain nombre de secrets, dont le mot magique Agla, qui contiendrait la quintessence du savoir des cabalistes. L'ouvrage, par ses thèmes équivoques et libertins, s'arrache comme un véritable succès de librairie.

Moreri dit de cet esprit du XVIIe siècle, qu'il a voulu, dans les cinq entretiens du Comte de Gabalis, dévoiler agréablement les mystères de la prétendue cabale des Frères de la Rose-Croix. l'ouvrage, ajoute-t-il, qui est écrit avec beaucoup de finesse d'esprit, et qui est orné de toutes les grâces du style, fit grand bruit à Paris et ailleurs. On défendit la chaire à l'abbé de Villars, et la lecture de son livre fut interdite. Quelques-uns doutaient s'il y avait expliqué sérieusement ses sentiments, ou s'il ne l'avait fait qu'en badinant : on attendait pour s'en éclaircir un second volume que l'auteur promettait ; mais qui n'a point paru ; car cet abbé fut assassiné peu après, en 1675, sur le chemin de Paris à Lyon.

En mars 1675, l'abbé Pierre-Nicolas de Montfaucon de Villars est tué d'un coup de pistolet, alors qu'il voyageait sur la route de Paris à Lyon. (assommé en 1673 âgé de 38 ans, d'après Michaud). Bientôt une étrange rumeur se propage à Paris, où l'homme avait une certaine réputation. L'abbé a t-il été puni d'avoir, plusieurs années plus tôt, dévoilé des secrets de l'art magique ?

D'après Stanislas De Guaita, Rose-Croix du XIXe siècle, (qui possédait certaines éditions de cet ouvrage au catalogue de sa bibliothèque occulte), la sentence aurait été prononcée par un tribunal secret : pour avoir profané et tourné en ridicule les arcanes de la rose-croix à laquelle il était initié, Montfaucon De Villars fut condamné par un tribunal vehmique et exécuté en plein jour sur la route.

Le comte de Gabalis n'est pourtant pas un grimoire de magie. L'abbé n'y révèle qu'un savoir très limité en matière d'occultisme. Le mot Agla, qu'il présente comme un grand secret, était alors présent dans tous les grimoires de colportages. L'histoire des génies élémentaires serait directement inspiré d'un ouvrage de Paracelse. D'après Feller, l'abbé Montfaucon De Villars, aurait été tué, d'un coup de pistolet, par un de ses parents, sur le chemin de Paris à Lyon.

La raison de sa mort trouverai son sens dans un contexte d'affrontement familial : les Montfaucon et les Ferrouilh. En 1662, de retour sur ses terres, l'abbé, et sa fratrie, aurait participé à l'assassinat de leur oncle maternel, soupçonné d'avoir lui même tué leur père. Un arrêt de la chambre de Toulouse condamne par contumace les auteurs du meurtre à être roués ; la descendance Montfaucon De Villars ayant quitté la province seul un valet subira le châtiment. Pierre de Ferrouilh, fils de la victime et cousin de l'abbé, aurait assassiné, en retour, l'abbé sur le chemin de Lyon.

Le succès de l'ouvrage lui valut également d'être souvent plagié et pastiché (L'amant salamandre ou les aventures de l'infortunée Julie, de l'abbé Cointreau, Les aventures d'Abdallah, fils d'Hanif, De Sandisson et pour le plus connu La rôtisserie de la Reine Pédauque d'Anatole France).

Les rééditions, contrefaçons, ainsi que les Apocryphes, sont nombreux également notamment La suite du Comte de Gabalis ou Nouveaux entretiens sur les sciences secrètes, au nombre de 7, qui ne furent imprimés qu'en 1715, quarante-deux ans après la mort de leur auteur pour faire suite aux Entretiens du Comte de Gabalis dont MORERI ne semble pas avoir eu connaissance.

Dans ce pamphlet, explique Michaud, Villars tourne habilement en ridicule la philosophie de Descartes, ou plutôt l'abus qu'en faisaient certains disciples qui allaient beaucoup plus loin que leur maître. Il met en scène un pédant ridicule qui abonde de la manière la plus divertissante dans toutes les erreurs de la philosophie cartésienne.

On peut cependant attribuer à l'Abbé de Villars plusieurs ouvrages outre Le Comte de Gabalis : De la délicatesse (1671), où il fait l'apologie des entretiens d'Ariste et d'Eugène, par le Père Bouhours. La critique de Bérénice de M. Racine et de M. P. Corneille (1671). Mme de Sévigné, qui ne rendait pas justice à Racine, parle fort avantageusement de ce pamphlet : Je regarde tout le reste et le tour qu'il donne à cette critique, et je vous assure que cela est joli. L'avocat bel esprit SUBLIGNY se chargea de réfuter en détail la critique de l'abbé de Villars, qui se trouve réimprimée avec la réfutation dans le Recueil de dissertations sur plusieurs tragédies de Corneille et de Racine, par l'abbé Granet (Paris, 1740). L'Amour sans faiblesse, ou Anne de Bretagne et Almanzaris (1671), ou Le Geomyler, roman moitié historique, moitié philosophique qui fut beaucoup lu par les mondains. Le livre essuya bien des critiques. « roman ennuyeux, intrigue obscure, embarrassée; incidents sans intérêt et style sans couleur ».