Je peux pas toujours parler tout seul, ça pourrait vous paraître suspect. Il faut bien que les autres aussi puissent présenter leur opinion.
Je peux pas mieux faire que de vous citer le très bel article d'un grand périodique de New-York, très autorisé : The American Hebrew, Juin 1938 :
« Il peut donc arriver que ces trois fils d'Israël (Leslie Hoare Belisha, Léon Blum, et Maxime Litvinoff), ces trois représentants de la race, créent la combinaison qui enverra le frénétique dictateur nazi, qui est devenu le grand ennemi des Juifs de nos jours, dans cet enfer auquel il a condamné tant des nôtres.
« Il est presque certain que ces trois nations, (France, Angleterre et Soviets) liées par de nombreux contrats et dans un état d'alliance virtuel, sinon déclaré, resteront unies pour empêcher la marche ultérieure d'Hitler vers l'Orient.
« L'ordre qui enverra le premier nazi, aux pas de parade, franchir la frontière tchèque, sera l'étincelle qui plongera l'Europe encore une fois dans le néant. (Raté !)
« Et quand la fumée des batailles sera dissipée, que les trompettes se seront tues, et lesballes auront cessé de siffler, alors on peut se représenter le tableau qui montrera la descente, pas trop douce dans un trou de la terre, de celui qui voulait jouer le rôle de Dieu, du Christ à la croix gammée ! tandis que les trois non-Aryens (Blum, Belisha et Litvinoff) entonneront en chœur, un Requiem, qui rappellera d'une façon surprenante à la fois la Marseillaise, God Save The King et l'Internationale et qui se terminera par l'éblouissantchant final guerrier, fier et belliqueux :
Élie ! Élie ! nous sommes vainqueurs ! »
Dans le même genre aimable, une autre proclamation bien nette, bien catégorique, du Juif Kubowtski, président des associations juives de Belgique, s'adressant aux Aryens belges :
« C'est parce que vous ne voulez pas vous battre pour les Juifs que vous aurez cette guerre !
« Ne pensez pas que vous vous sauverez en nous laissant tomber ! »
Je vous le dis, y a du profit, des pintes de la meilleure humeur à parcourir les journaux, de droite, du centre et de gauche, à s'ébahir, se tamponner, un peu plus encore, sur les façons qu'ils peuvent mentir, troufignoler, travestir, exulter, croustiller, vrombir, falsifier, saligoter le tour des choses, noircir, rosir les événements selon la couleur des subsides, dérober, pourfendre, trucider, rodomontader, pirouetter, selon l'importance des enveloppes.
D'offusqueries en extases, c'est merveille ce qu'ils peuvent éteindre, rallumer, bouillir, congeler l'opinion des truands mornes.
La voltige entre les lignes. C'est un régal par exemple la manière qu'ils surpassent autour des mics-macs Chamberlain, du sketch à frissons : la Semaine des Sudètes.
Cette pitrerie fait salle comble on applaudit à tout crouler ! Même les marles les plus affranchmans ils en bectent, ils s'en délectent, de cette putasserie tragédique.
Ils en reveulent, ils en redemandent de cette ragougnasse complotière. Les plus insurgés d'habitude, qui vont au pétard pour des riens, pour un petit frêle soupçon, comment ils foncent ce coup-ci se faire endormir !
C'est merveille ! Pourtant ça foisonne suffisant. Faut plus avoir le nez sensible. C'est du scénario très sommaire. Du canevas presque.
« Mr Chamberlain sauve la paix ! »
Lever du rideau : Hear ! Hear ! Hear! Il sauve son pot Chamberlain ! Son pot de demi-juif. Il exécute que des ordres. Par téléphone, par écrit ça lui radine la Cité, des Banques, de l'Intelligence, du fond ardent des Synagogues :
« Feignez Chamberlain, pacifistes ! Avancez-vous un peu plus à gauche ! Là ! S'il vous plait ?
Parfait ! Maintenant vers la droite… Deux pas ! C'est tout ! Reculez…
Tirez-vous Eden !
Par la Cour ! Faites du bruit ! Passez devant la S.D.N. ! Faites un petit signe de détresse ! Pas trop ! Là…
Saluez ! Profondément… Vous reviendrez par le jardin…
Allez… Venez… À vous Sir Simon ! Qu'on vous entende !... Renfrognez ! qu'on vous aperçoive par la fenêtre… mélancolique… songeur…
Prenez la main de Runciman ! Là ! Repassez tous les deux !... Très bien !... De la désinvolture ! Du texte !
Maintenant du sérieux !...Pas trop… gentlemen pressés… Bonjour aux Tchèques ! Là !...
Disparaissez !... Demeurez toujours en coulisse !
Duff Cooper… fignolez votre indignation… Ténébreux ! Prophétique sinistre !... Impatient !... C'est fait ? Nous y sommes ?...
Un petit voyage en avion… Mystérieux mais photogénique toujours !...
Maintenant vous aussi Chamberlain en avion !... au Tyrol !... Encore !... Retournez !... Évitez les mots… Munich !...
Répétez... Là… le chapeau…
Shakespeare !... Parapluie !... les gants…
Saluez ! Parfait… Bascule ! »
— Très bien Monsieur Or ! Que Dieu vous entende !... Toujours à vos ordres !...
Ainsi la comédie s'enchaîne bien rythmée sur un petit bruit de coulisse, aux tambourscrêpés…
« Chamberlain défend, sauve la Paix ! »
C'est le scénario exigé par le populo britannique. Nous par ici, on est plus simples, on y va pas par 36 routes. On nous file un beau matin la guerre dans les poignes. C'est pesé !... Avec son plein de gendarmes autour ! Et en avant pour Charleroi ! Parfait pour nos gueules ! Les enfants du fascicule !
Les Anglais en voudraient jamais d'une guerre à la six-quatre-deux ! bâclée en vache, decette façon. Ils veulent des frais, du décorum, des prévenances. Ils veulent du temps pour réfléchir, gentlemenement, méditer posément la chose. S'habituer à l'idée…
C'est pas des barbaques de cirque, des hominiens comme nous autres, des genres "maudits sacrificiels", des chairs à pâtes d'offensive, les gentlemans ! Pardon ! Pardon ! Ne pas confondre ! C'est extrêmement différent un gentleman ! N'est-ce pas Sir Herzog of Maurois ?
Ça nous pisse au cul du haut des falaises de Douvres, un gentleman ! C'est quelqu'un ! Comme dirait César. Il faut bien connaître l'Angleterre, « jeunes Français qui la visiterez ! » Avec Gentleman minute !
Pour l'amener aux abattoirs c'est pas un petit coton. Il est fainéant et confortable le gentleman. Il a un pacte avec le juif, qu'il est pas bon pour la pipe, comme nous de rif et d'autor, pas du tout !...
C'est en plus dans son contrat que nous devons y aller pour lui ! C'est entendu depuis trois siècles, il faut comprendre les différences. Respect des contrats !...
Il compte donc, c'est régulier, le gentleman, sur toutes nos viandes comme remblais pour sa dignité, la sauvegarde de son thé pépère, de son golf, de sa pimpante boutonnière, fleurie.
Des formes je vous prie ! Furies guerroyères, hagardes radeuses voyoutes ! avec le gentleman, des gants !
Il prétend qu'on le houspille pas… « Thé et mon Droit ! » C'est dans le pacte avec Israël depuis les Tudors. Faut lui ménager sa fierté, lui donner hautement l'impression qu'on lui respecte très l'aloyau ! Qu'on le file pas comme ça au détail, au découpage, sans résistances très farouches, prises terribles, furieux colloques, luttes inouïes.
Ah ! Ça n'irait pas du tout si on avait l'air de l'emmener, de l'emballer à la légère, Tommy Gentleman, comme on embarque du français, du bétail à la criée, du veau pour toutes les charpies ! Pardon ! Il est pointilleux en diable ! susceptible horriblement, gentleman ! Il veut avoir son spectacle, pour se faire sa conviction.
« La très édifiante, très sublime, très mémorable lutte de Mr Chamberlain contre les forces maudites, les démons Teutons de la guerre ! »
Ah ! que c'est beau ! Que c'est poignant ! Que c'est farouche ! Il y passera le Chamberlain, l'Eden aussi, le Cooper aussi, et tous les suivants ! Oui ?
Non ? Bien sûr ! Puisque c'est écrit ! répété ! Mais comme ça boum ! tralala ! Ah foutre non ! Qu'après des oppositions joliment stoïques des déployements d'ingéniosités à en défaillir ! d'ébaubissement ! de vertige !
Des compromis à périr d'extase, des ferrailleries les plus cinglantes ! étincelantes ! fulminantes ! tourbillonnantes ! contre les esprits infernaux ! Parfaitement !
Billy Brown en a pour son pèze. Il est pas volé au spectacle. Ça vaut "l'Arsenal" pour le sport, ardent comme un match de finale. Que le Briton sorte édifié, convaincu de la performance, tout émoustillé d'avoir si bien joui, d'un si péremptoire tournoi, d'un si prodigieux pacifisme, et le Recrutement a gagné ! Ça va, il suit la musique.
Elle nous oublie pas non plus "l'Intelligence" pendant les crises. Elle connaît nos presses, nos radios, comme pas une.
Elle décuple tous les effets du mystère, de l'anxiété, par des distributions pépères, à pleines rédactions, corbeilles, de toutes bouleversantes réticences, confidences, dessaleries, redondances, mille et cent chichis, extrêmement propices à faire perler, bouillir, cailler, rebondir le trèpe.
C'est repris par nos larbins de plume, les directeurs, nos ministres, ça se diffuse en nuées si denses, affolantes, que déjà des années d'avance, on ne discerne plus rien du tout des choses des contours, des horreurs.
Que c'est plus à travers l'Europe qu'une masse de connards bien transis, de soldats bien inconnus qui déjà tâtonnent la Mort.
La presse aux ordres, vogue et frétille après les bobards qu'on lui jette, comme les cabots tortillent, s'acharnent après leur os en caoutchouc.
Pendant que les marles s'épuisent, se crèvent pour des morceaux de vent, les Juifs aux cuisines fricotent, farcissent, tarabisquent nos restes, ils nous refilent aux arlequins, aux vomissures du destin, en énormes "Bouchées Catastrophe".