AUTOMOBILISME (Gaston Coûté)
Images Gallica
I' fait bon à c' souér, en r'venant des champs...
La rout' devient grise et l' jour va mouri,
Sous les ombrag's ros's et doux du couchant,
Comme un vieux au bas des guigniers fleuris.
Pis les chous's appont'nt l'entarr'ment du jour :
L' vent s' lève et s'en va quêter des parfums
Dans les foins d'jà chus, dans les blés d'jà lourds,
Et l' silenc' développ' son drap su' l' défunt.
Mais tout d'un coup... teuf ! teuf ! teuf !
Un vacarme déchir' brutal'ment l' drap fin du silence.
Teuf ! teuf ! ...
Et v'là l' vent qu'est d'eun' pestilence
A vous fér' jurer : ça, c'est les gendarmes !
C'est pas les gendarm's !
C'est des gas d' la ville
Qu'ont mis, sans excus's, mon rêve en déroute ;
C'est des bourgeouésieaux dans leu' tomobile
Qu'ont failli m' bocquer au tournant d'la route !
C'tte rout' !
J'ai passé troués bounn's journé's d'ssus
La corvé' nous t'nait jusqu'à la nuit nouère.
Nos tomb'reaux étin chargés à plein cul
Des tas d' jarr' pell'tés aux grév's de la Louére.
C'tte rout' !
J'ai cassé l' pierré des carrières
Pour boucher en-d'ssus, pour combler en d'ssous :
J'ai mis su' son dous des emplât's en pierre,
J'ai mis dans'son vent' des bouilli's de cailloux !
Et v'là que j'peux pus aller su c'tte route
En r'venant des champs, par le train d' mes pattes,
Les souérs qu'i' fait bon et qu'on oubli' toutes
Les tâch's échignant's et la vie ingrate !
Tout ça simp'elment pasque... teuf, teuf, teuf...
On a fait du ch'min d'pis quater vingt neuf !
Dans l' temps, nous seigneurs, pou' leu's amusettes
S'en allint coumm' ça fér' la chasse aux bêtes.
Les meut's trottaillint dans l' blé plein d'promesses,
Queu joli grabuge aux champs d' nous grand-pères !
Et, des foués, pour ren, pour vouèr, pour l'adresse
On visait l' manant penché su' la terre !
A'n'hui, c'est pus ça.
Les seigneurs bourgeoués
Ont un joujou neu' qu'est la 'tomobile :
Ça fait du rafut, ça pue, et ça file,
Ecouassant nous poul's, écouassant nous ouées.
Mém', si queuqu' pésan sortu des guérets
Songeait su' la rout' coumm' moué tout à l'heure,
Ça te l'aplatit coumm' deux yards de beurre
Et c'est là qu'i' sent tout l' pouéd du Progrès !
Ah ! n'y r'venez pus, bon guieu d'écraseux !
J' counnais un moueyen pour vous rend' moins fiers :
Le souér, su la route, un bon grand fil fer,
Et v' écras'rez pus parsounne, moué, si j'veux !
Comment le pneu vint aux Michelin
D'après l'Histoire de l'automobile de Pierre Souvestre.
André Michelin | ||
Par une chaude après-midi de printemps, alors que la soixantaine d'ouvriers employés à la modeste usine de M. Michelin à Clermont-Ferrand travaillaient paisiblement à manufacturer des objets en caoutchouc industriel, un visiteur imprévu s'annonça à la porte, dont l'arrivée fit sensation.
C'était un vélocipédiste assez connu dans la région, car l'exercice auquel il se livrait, comportait peu d'adeptes à cette époque. On l'appelait le Grand Pierre et ses promenades sur sa mécanique à deux roues étaient légendaires dans l'esprit des populations. Le Grand Pierre, qui possédait un vélocipède dont les roues se trouvaient munies d'étranges bandages en caoutchouc gonflé d'air, qu'on appelait bandages pneumatiques, venait demander à l'usine Michelin de lui réparer un de ces pneumatiques qui était crevé.
L'opération dura plus de trois heures. Elle fut effectuée selon les indications fournies par une notice très complète que possédait le Grand Pierre, par le meilleur ouvrier de l'usine, Duvert, sous la surveillance de M. Edouard Michelin, dont la curiosité avait été excitée par cette innovation.
Lorsque le pneumatique du Grand Pierre fut réparé, on laissa passer la nuit avant de s'en servir, afin que la dissolution puisse sécher. Le lendemain, le Grand Pierre dit à Edouard Michelin en montrant sa bicyclette : Montez dessus, c'est du nanan !
Edouard Michelin se laissa tenter. Au bout de vingt minutes, il revenait, la réparation n'ayant pas tenu ; mais il avait acquis de cette expérience deux opinions, à savoir : La première : que le pneumatique était l'avenir. La seconde : que le pneumatique du Grand Pierre ne valait rien du tout.
Sitôt après E. Michelin convoquait son ingénieur, M. Laroche, et lui tenait le bref discours suivant : Il faut qu'on puisse, si une chambre à air est crevée, en mettre une autre en 1/4 d'heure par des moyens mécaniques. Je ne veux pas de colle.
En même temps le Grand Pierre, expert vélocipédiste, était embauché dans la maison en qualité de Chef des essais !
Histoire du bandage pneumatique
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Le 10 décembre 1845, en Angleterre, R. W. Thomson déposait le brevet du pneumatique:
"L'invention consiste en l'application de supports élastiques autour des bandes des roues de voitures, afin de diminuer la puissance nécessaire pour les tirer, et pour rendre leur mouvement plus doux et diminuer le bruit qu'elles font en roulant. Pour obtenir ce résultat, j'emploie de préférence un cordon creux, composé d'une substance imperméable à l'eau et à l'air, tel que du caoutchouc sulfurisé ;
j'enfle ce cordon creux, d'air, de sorte que les roues présentent pendant toute leur évolution uni coussinet d'air au sol ou rails de chemins de fer ou tous autres corps sur lesquels elles peuvent être appelées à rouler."
Le Scientific American écrivait en mai 1847 :
"Un tube creux en caoutchouc, du diamètre de 1 pied environ, gonflé d'air, entoure chaque roue à la façon d'un moyeu et par l'emploi de cet appareil simple mais nouveau, la voiture avance sans bruit avec tout le confort qu'on peut désirer en voyage. Ces roues donnent aux voitures une douceur de mouvement complètement impossible à atteindre par n'importe quelle sorte de ressort ; elles empêchent complètement la voiture de faire aucun bruit, elles préviennent tout choc, toute secousse, et la traction est considérablement moindre qu'avec les roues ordinaires, spécialement sur les mauvaises routes.
Les expériences menées en 1847, notamment, par William Thomson, sur une longue route dans Regent's Park, témoignent que l'économie de traction réalisée par les roues brevetées, a été de 38%, sur une route macadamisée et de niveau, et de 63%, sur une route recouverte de cailloux cassés.